dimanche 5 juillet 2009

Adieu, Harve Presnell, le baryton de l'ouest







Vedette des comédies musicales dans les années 60, Harve Presnell vient de nous quitter à l’âge de 75 ans, d‘un cancer du pancréas. Il est dommage que cet artiste aussi doué pour le chant que pour la comédie soit entré tardivement dans l’univers du film musical, alors que le genre était déjà moribond à Hollywood, car sa présence et son charme viril auraient pu faire de lui l’équivalent d’un Howard Keel. En tous les cas, le comédien a pu se rattraper en fin de carrière, dans les années 90, en trouvant sa place dans des films réalisés par les metteurs en scènes les plus en vue actuellement.

Né en 1933, Harve Presnell envisageait à l’origine de devenir chanteur d’opéra. Le compositeur Meredith Wilson, connu surtout pour son opérette The Music Man, le remarque lors d’une audition et lui confit le rôle principal du musical la reine du Colorado, biographie romancée de Molly Brown, une activiste américaine surtout connue pour être rescapée du Titanic. Le spectacle triomphe sur les scènes de Broadway et Harve est retenue pour figurer dans l’adaptation au cinéma (alors que Tammy Grimes est remplacée par Debbie Reynolds). Le film est très réussi, notamment grâce au dynamisme et à la fantaisie de la petite Debbie qui n’a jamais été aussi brillante. Dans le rôle du mari de l’insubmersible Molly, Harve est également très remarqué pour son charme et sa chaude voix de baryton.
Sa prestation lui vaut un golden globe en tant qu’espoir masculin de l’année.
Le grand succès du film aurait théoriquement du placer Harve sur la route du succès. Malheureusement, les grands studios américains ne misent plus du tout sur le genre musical, trop coûteux et trop risqué financièrement compte tenu de quelques fiascos accumulés les années précédentes. Tout juste se contente t’on de porter à l’écran les spectacles qui avaient cartonné à Broadway.
Aussi, Harve ne trouve rien de mieux à se mettre sous la dent qu’un petit musical pour les jeunes, « When the boys met the girls », remake de girl crazy, avec les immortelles chansons de Gershwin et la curieuse apparition de groupes en vogue comme les Herman’s hermits . Harve du haut de son mètre 93 forme un curieux couple avec la petite Connie Francis (1 m 56): on a l’impression qu’il tient une gamine par la main. Les numéros dansés sont assez décevant, en raison d’un manque de moyens évident et le film demeure juste regardable pour la fort belle interprétation des standards de Gershwin par les très belle voix de Miss Francis et d’Harve.
La même année, on le retrouve dans « les compagnons de la gloire » un western de cavalerie tout à fait honnête et parfaitement bien photographié, inspiré de fort Apache, sur un scénario de Sam Peckinpah.

En 1969, il rejoint la prestigieuse distribution du western musical la caravane de l’ouest (Clint Eastwood, Lee Marvin, Jean Seberg)réalisé par Joshua Logan. Qualifié à l’époque de catastrophe, le film mérite vraiment d’être revu car il est loin d’être honteux. Certes la réalisation laisse à désirer mais l’interprétation est loin d’être aussi mauvaise qu’on l’avait prétendu à l’époque (on avait évidemment reproché aux 3 vedettes de ne pas savoir chanter : ce qui était vraiment stupide car tout le monde a raffolé de la façon merveilleusement fausse dont Marvin s’acquitte de wondrin’ star) . Seule la prestation d’Harve Presnell avait été saluée par la critique. Il faut dire qu’il chante merveilleusement bien sa chanson Mariah et qu’avec sa barbe il n’a jamais autant ressemblé à Howard Keel, avec lequel il fut tant comparé et que les passages où il figure rappellent fort les 7 femmes de Barberousse.
Vous ne vous souvenez plus de sa présence dans ce film? Peut être parce que à sa sortie, presque toutes ses scènes ont été coupée en France!
L’acteur est ensuite contraint de retourner chanter sur scène , notamment à Londres dans une adaptation musicale très chahutée d’autant en emporte le vent, où il tient bien évidemment le rôle de Rett Butler ou dans Camelot où sa glorieuse interprétation du magique « if ever I would leave you » créé par Robert Goulet lui vaut d’être acclamé par le public. Son interprétation de Don Quichotte dans l’homme de la Mancha est également très applaudie. Harve Presnell ne craint pas non plus d’aborder un répertoire plus ambitieux en enregistrant le carmina purana de Carl Orff ou en chantant en duo avec Marilyn Horne

En changeant de personnage , en abandonnant la panoplie du charmeur de Broadway et la perruque qu’il portait depuis des décennies, Harve Presnell est parvenu à relancer sa carrière à la télévision puis au cinéma dans des rôles de composition, le plus souvent d’hommes d’affaires sans scrupules. Parmi ses participations les plus remarquées, on note la série le caméléon , Fargo (1996) le film culte des frères Coen, volte-face de John Wood1997) ou Il faut sauver le soldat ryan. (1998) de Spielberg, de très gros succès commerciaux.
En somme, un retour inespéré pour un acteur dont le nom n’était même plus mentionné dans les anthologies du film musical !

samedi 4 juillet 2009

Claudio Villa, le petit roi de Naples



Claudio Villa fut probablement l’un des chanteurs populaires italiens les plus adulés du 20ème siècle. Le peuple italien avait le plus grand respect et la plus profonde affection pour cet homme d’origine très modeste dans lequel il se reconnaissait. Ses sérénades ont non seulement charmé ses compatriotes mais également le monde entier. Parmi ses innombrables disques, on compte des 45 tours en français (des chansons de Bécaud), en espagnol mais aussi japonais, anglais et serbo-croate. Une voix puissante et une bonhomie que l’on pouvait à l’occasion apprécier sur les écrans de cinéma.
Né en 1926 d’un père cordonnier et d’une maman couturière, le petit Claudio connaît une enfance misérable. Après avoir travaillé dans une imprimerie, il remporte un concours de chant à la radio.
En 1948, on lui propose de chanter sur la bande son du film « Sous le soleil de Rome » une comédie réaliste assez sympathique. Le succès du film est déterminant. En 1950, la chanson « luna rossa » fait de lui une star nationale (elle sera reprise aux USA par Sinatra et en France par Tino Rossi et Pierre Malar, un chanteur de charme qui s’inspire beaucoup du style de Villa et de sa façon particulièrement mélodieuse et suave de susurrer ses ritournelles).
La même année, il chante brièvement en duo avec Suzy Delair dans « je suis de la revue » sorte de méli-mélo musical à la distribution internationale. Il assure également la partie chantée de « Voir Naples et mourir » 1952 de Ricardo Freda avec la regrettée Gianna Maria Canale.
Le chanteur triomphe plusieurs fois au fameux Festival de San Remo dont l’impact est international dans les années 50 et 60 (la variété italienne ne s‘est jamais aussi bien portée et exportée qu‘à cette époque). En 1955, il remporte le prix …sans être présent. Souffrant, Claudio n’a pu se déplacer et son disque a été diffusé dans la salle! Il s’agit du « torrent » autre énorme succès repris en France par Maria Candido.
Parallèlement son activité discographique (c’est fou le nombre de disques qu’il a pu enregistrer!), Claudio Villa joue et chante dans beaucoup de films dont il est la vedette. Il s’agit soit de comédies gentillettes avec beaucoup de chansons (principal argument de vente de ces productions) ou de sombres drames comme le public populaire les appréciait. Un genre peu connu chez nous : si les films de Claudio ont été exploités en Belgique, peu ont franchis la frontière française . En revanche, les romans photos adaptés de ces séries Z étaient importés chez nous, si bien qu’on pouvait lire ces sortes de bandes dessinées avec les photos de Claudio. Un peu dommage quand même quand on sait que sa voix était sa principale qualité! Le public français peut néanmoins l’applaudir à l’Olympia en 1958 où Piaf et Fernandel viennent le féliciter. Il triomphe aussi au Japon et au Mexique où il tourne un film avec la belle Rosita Quintana (plus connue pour avoir joué Suzanna la perverse pour Bunuel).
En 1959, on le retrouve dans « c’est arrivé à San Remo » revue musicale tournée pendant le concours avec les participants du moment
Petit et robuste, il n’a pas vraiment un physique de séducteur mais incarnait le brave petit gars du pays. Ainsi dans quanto sei bella Roma, il incarne un garagiste à la voix d’or chargé de chanter la sérénade à deux touristes fortunées. Un argument des plus légers juste utile à faire passer de belles vues de la ville éternelle et des chansons sympas (comme la reprise du tube « vivre de Tito Schipa que Claudio chante sur sa vespa.
Avec l’arrivée du rock et de nouveaux chanteurs à la mode comme Celentano ou Mina, certains jeunes jugent Claudio démodé et lui jettent des tomates lors de ses concerts. Le chanteur va parvenir à garder une belle côte d’amour auprès du public en résistant à la déferlante yéyé. En donnant davantage de la voix , le chanteur de sérénade prouve sa parfaite technique et une puissance qui lui aurait largement permis de se lancer dans l’opéra avec des reprises réussies de Granada ou de malaguena qui lui valent des prix d’interprétation à la télévision.
En 1967, il remporte encore le festival de San Rémo avec son dernier très gros succès « Non pensare a me » repris aux USA par Connie Francis. La même année il tourne en Espagne Addio Granada . L’intrigue est faiblarde (un veuf chante dans des petits troquets avant de tenter sa chance en Espagne) mais Claudio y reprend ses plus grands tubes dont le dernier en date, non pensare a me.
Si Claudio reste un chanteur respecté, ses disques des années 70 et 80 se vendent beaucoup moins, même s’il se produit toujours à la télé et dans des concours de chant comme San Remo.
En 1978, il tourne son dernier film, Melodrammore, parodie grotesque des mélos des années 50 comme Claudio et Amadeo Nazzari avaient pu en tourner autrefois.
Victime d’un infarctus, Claudio Villa décède à 60 ans des suites d’une intervention chirurgicale. La nouvelle de sa disparition est annoncée à la télévision pendant le festival de San Remo où il s’était si souvent produit par le passé. Les spectateurs envahis par l’émotion lui réserveront une minute de silence et une standing ovation. Comme en 1955, le chanteur obtiendra un ultime triomphe sans être présent.
Après son décès, le chanteur fera encore parler de lui dans la rubrique des faits divers quand sa fille naturelle sortira de l’ombre pour demander en justice une reconnaissance de paternité (que Claudio lui avait refusé de son vivant). Le papa tranquille du show business menait dans les années 60 une double vie entre son épouse et une danseuse dont il aura deux enfants. Il faut rappeler que le divorce n‘a été légalisé en Italie qu‘en 1970! En tous les cas, en écoutant la belle voix de Manuella Villa, on ne doute pas qu’elle soit la fille de l’illustre chanteur, même si sa carrière est loin d’être aussi brillante.