jeudi 21 mai 2009

Dan Dailey, Mr Musical Comedy






Parmi les plus grands danseurs de la comédie musicale, on a tendance à méconnaître le talent de Dan Dailey, car en France ses films généralement tournés pour la Fox, ont été distribués de façon assez confidentielle. Pourtant ce grand escogriffe dansait avec beaucoup d’assurance et de talent, savait jouer parfaitement la comédie, soutirer au passage une larme aux spectatrices dans des musicals qui alliaient sentiments et musique, avec quelque chose de profondément humain qui le distinguait de ses rivaux.

Fils du propriétaire d’un hôtel très fréquenté par les artistes, Dan Dailey a commencé à chanter et danser sur scène dès l’âge de 6 ans avant de participer à différents spectacles de variétés à New York (qu’on appelait alors burlesque). Après avoir fait ses armes dans le musical Babes in arms (qui sera repris à l’écran avec Mickey Rooney), Dan Dailey s’engage dans une grande tournée avec l’opérette j’ai épousé un ange, qui s’achève à Los Angeles. C’est là qu’il est remarqué pour la MGM en 1939. Dans le studio qui compte autant d’étoiles que le ciel, il a bien du mal à trouver sa place : à peine se souvient-on de sa présence dans Ziegfeld girls. Il faut dire que le studio a la curieuse idée de le distribuer dans des rôles de types antipathiques comme par exemple celui d’un nazi (à cause de son physique patibulaire sans doute) où il ne danse jamais. Alors qu’enfin la chance lui sourit et qu’il est désigné comme partenaire de Judy Garland dans pour moi et ma mie (1942), il est mobilisé par l’armée et doit laisser son rôle à Gene Kelly qui réalise ainsi de fracassants débuts au cinéma. Tenu loin des caméras par la guerre, et 5 années sous l’uniforme, l’acteur doit tout reprendre à zéro.

En 1947, Darryl Zanuck auditionne Dailey pour « ma maman était new look » avec Betty Grable. La blonde pin up est réticente et pense que Dailey aurait davantage sa place dans des films plus sérieux. Elle souhaite plutôt que John Payne tienne le rôle de son mari. Cependant le chef de la Fox insiste pour que le principal rôle masculin soit tenu par un acteur sachant danser, et dans ce domaine, Dan Dailey a particulièrement brillé lors de ses bouts d’essai. Le choix s’avérera très positif car le film remportera un triomphe aux USA. Dans cette saga familiale contant les péripéties d’un couple d’artistes du vaudeville et leurs relations difficiles avec leur fille qui les snobe, Dan Dailey tire fort bien son épingle du jeu et s’avère très convaincant autant dans les scènes dramatiques que les numéros de burlesque qu’il partage avec Betty comme l’adorable kokomo indiana. Le public adopte d’emblée le grand type au visage buriné et à l’image si paternelle.

Satisfait de ce succès, Zanuck ne tarde pas à mettre en chantier un nouveau musical pour le couple, un remake des films dance of life (29) et swing high swing low (37), intitulé à toi pour la vie (1948), où Dan et Betty incarnent deux artistes aux carrières conflictuelles. Un rôle en or pour Dan avec des instants très émouvants et une nomination à l’oscar à la clef : privilège ultra rare pour un acteur de musical. Outre quelques numéros dansés avec la blonde Betty, Dan brille également dans le numéro birth of the blues. La petite histoire raconte que Dan avait élaboré soigneusement son numéro depuis longtemps mais sur une musique de Stravinsky, et que Zanuck emballé lui avait proposé de l’intégrer au film, à condition de d’adopter une musique plus accessible au grande public !

Betty Grable et Dan Dailey vont encore tourner ensemble dans deux autres films : my blue heaven (1950), considéré par les fans comme le plus faible, bien que certains numéros dansés soient fort agréables (notamment celui des deux domestiques qui s’encanaillent pendant que leur patron est de sortie, ou le pétillant don’t rock the boat dear. Aventures à Tokyo(1951) comporte quelques très bonnes chansons et un joli numéro dansé par le couple dans un parc pendant la nuit : dommage que la finale de Busby Berkeley semble si inaboutie.
Alors que les deux artistes ont développé une réelle complicité, évidente à l’écran, et que la rumeur leur prête une liaison, la réalité est plus compliquée. Betty Grable n’est qu’une bonne copine. Dan Dailey dont le mariage bât de l’aile a en fait énormément de mal à vivre sa bisexualité. Tandis qu’il triomphe sur les écrans, l’acteur est en pleine dépression. Betty Grable confira sa stupeur à des proches le jour où elle surprendra l’acteur déguisé avec une des robes de scène. Alors qu’il traverse une véritable crise personnelle, il incarne à l’écran les gentils maris tranquilles, ou les braves papas élevant seul leur enfant comme dans l’adorable voisine (1953). Mais peut être que la chaleur humaine qu’il apporte à chacun de ses personnages, et qui le rend si attachant par rapport à d’autres danseurs de cinéma, se nourrit elle de sa sensibilité exacerbée ?

Dan Dailey ne joue pas qu’avec Grable mais aussi les plus jolies actrices de la Fox comme Jeanne Crain (you were meant for me) ou Anne Baxter (youre my everything, amusant musical pâtissant hélas du cabotinage agaçant d’une petite gamine qui joue les Shirley Temple). Dans le petit train du far west, western musical, Dailey donne la réplique à la toute jeune Marilyn Monroe. Comme Jéremy et Cathy, j’ai un faible pour l’adorable voisine avec la ravissante June Haver, qui comporte notamment un excellent numéro inspiré des films noirs parfaitement exécuté par Dan Dailey, qui aurait eu toute la prestance nécessaire pour jouer dans un bon polar.

En 1954, on retrouve encore Dan en bon père de famille dans la joyeuse parade (mais ça lui va si bien), un bel hommage aux chansons d’Irving Berlin. Encore une famille d’artistes qui se déchire et se réconcilie (décidemment la Fox ne servait plus que du réchauffé), du rire et des larmes, mais quelques glorieux morceaux qui en mettent plein la vue (notamment l’air Alexander’s ragtime band repris à toutes les sauces, avec une débauche de moyens et de paillettes).
En 1955, Dan Dailey rejoint la prestigieuse équipe de la MGM, le studio le plus doué pour les films musicaux. Beau fixe sur new York est tout simplement un petit chef d’œuvre, et parmi les grands moments de cet époustouflants musical, sur fond grave et parfois cynique, le numéro dansé par Gene Kelly, Dan et Michael Kidd avec les couvercles de poubelles. Moins génial, mais très agréable, Viva las Vegas (1956) où il forme un beau couple avec Cyd Charisse.

Après les rois du jazz (1956) à nouveau pour la Fox, Dan Dailey se voit contraint d’abandonner le genre musical, tombé en disgrâce avec le développement de la télévision. Néanmoins ses réelles qualités de comédiens lui évitent momentanément de se retrouver sur la touche et des réalisateurs aussi prestigieux que John Ford lui confient des rôles (l’aigle vole au soleil) dont il se tire avec les honneurs ou les naufragés de l’autocar avec Joan Collins. Mais plus que le déclin du musical, ce sont encore les problèmes personnels qui vont couler la carrière de Dan, et surtout la dive bouteille dont il abuse pour engloutir ses problèmes existentiels. A tel point qu’il sera arrêté par la police en état d’ébriété et devra passer 6 mois en institut spécialisé : son troisième mariage se solde par un échec.

Les ennuis de santé se succèdent également : un cancer à la nuque, puis une hanche brisée lors d’un tournage. Dans les années 60, l’acteur va progressivement reprendre pied en se produisant dans des cabarets avec sa chère Betty Grable, et aussi à la télé dans des feuilletons inconnus chez nous.
Néanmoins, il ne se remettra pas du suicide de son fils unique en 1975. victime d’anémie, ce grand gaillard d’un mètre 91 nous a quittés en 1978. Il n’avait que 65 ans mais on aurait pu lui en donner bien davantage, tant les épreuves de la vie l’avaient marqué.
Heureusement, Dan nous a laissé dans ses films le meilleur : son dynamisme, sa chaleur humaine et le talent d’un danseur qui sans frime, nous gratifie toujours d’un travail remarquable.

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