vendredi 12 juin 2009

Shah Rukh Khan, le roi de Bollywood




Portrait réalisé par Jordan White et reproduit ici avec son autorisation amicale :

Impossible de parler de Bollywood aujourd'hui sans évoquer le nom de Shah Rukh Khan, surnommé King Khan ou Baadshah, comédien aux multiples facettes, vénéré en Inde comme dans le reste du monde, que ce soit en Occident, en Angleterre surtout comme dans les Dom-Tom où il nourrit un véritable culte. Alter-ego masculin de Kajol, Shah Rukh Khan est un "self-made man".

Sa vie est un véritable Bollywood à elle toute seule, jalonnée de malheurs, de deuils, saupoudrée aussi d'une bonne dose d'amour fou.
Né le 2 novembre 1965 à New Delhi, il a une soeur nommée Shehnaaz. La légende dit que son père, employé dans les transports a traversé le Pakistan à pied pour venir en Inde travailler en tant qu'entrepeneur. Sa mère était magistrate et oeuvrait dans le social. Le ciment familial est détruit lorsque son père meurt d'un cancer alors qu'il n'a que quinze ans.

A la fin des années 80, il rencontre Gauri qui deviendra son épouse (et avec qui il a deux enfants Aryan et Suhanna), elle hindoue, lui musulman. Clash des familles qui n'acceptent pas cette union. Après avoir bataillé pour faire entendre leur voix, Shah Rukh obtient finalement la main de Gauri et il se marie en 1991. Il connaîtra la même année un second choc avec la mort de sa maman qui ne verra pas leur union. Il a tout juste vingt six ans et se raccroche à Dieu. Une foi qu'il va perpétuer plus tard avec ses deux enfants en leur inculquant le respect des religions et des cultes (on le voit faire une procession de A à Z auprès d'eux dans son DVD The Inner World)
Etudiant aussi doué dans les études qu'en sport pendant ses années de fac, il préfère pourtant la voie la moins facile, celle de l'actorat, sans aucune relation.

Il commence sa carrière dans une série locale, où il va rencontrer une personne déterminante dans son parcours, un certain Ashutosh Gowariker, lui aussi acteur à l'époque et futur réalisateur du grandiose Lagaan. Ses apparitions dans ces soap lui valent d'être remarqué par des producteurs qui envisagent d'en faire une star du ciné. Encore faut-il qu'il les convainque.
Ce sera chose faite à partir de 1992 avec Deewana, sympathique nanar. Armé de son mulet et d'une incroyable capacité à jouer sur la corde sensible du mélo, il démontre une fougue juvénile qui emballe les spectateurs. Il joue en en faisant des tonnes et pourtant ça fonctionne.
C'est à partir de 1993, que le symptôme de la lèvre tremblante, mimique qu'il reprendra souvent, se fait de plus en plus visible.
1993 et Baazigar qui lui permet de rencontrer Kajol, avec laquelle il va former le couple le plus célèbre du cinéma des années 90 en Inde.
Il joue un rôle que tout le monde a refusé (y compris Aamir Khan) et gagne son premier film fare award. Une étoile est née. Une étoile brillante qui ne s'étiole pas mais gagne au contraire en puissance et aura.

Il enchaîne les rôles plus ou moins marquants, souvent des méchants à une époque où la vague commence à s'essouffler un peu.
A ce moment là le visuel des films paraît encore très ancré dans les années 80, une esthétique criarde avec des couleurs poussées, des scénario prétextes et une utilisation pas toujours très judicieuse du 2.35.
1995 marque un tournant décisif, puisqu'il signe sans même lire une ligne du scénario le plus gros succès de sa carrière, Dilwale Dulhania Le Jayenge, célèbre pour être resté plus de 500 semaines à l'affiche et être encore joué dans une salle à Mumbaï.
Kajol, Shah Rukh, Jatin-Latit à la musique, Aditya Chopra à la réal, tout est là pour en faire le film d'une génération, celle des NRI qui interrogent leurs racines et se projetent dans l'avenir d'une vie à l'occidentale.

Autre carton pour un résultat pourtant tout autre, tourné avant, outré jusqu'à l'excès, Karan Arjun en 1995, avec Salman Khan, véritable déclaration de guerre aux conventions du cinéma, avec des partis pris totalement délirants, tant du point de vue du scénario que de la réalisation et une violence débridée quasiment BD. Plutôt drôle, Karan Arjun permet de retrouver Omrish Puri, monsieur "Méchant" du ciné hindi qui se régale à en faire des tonnes.

Il tourne beaucoup, de la comédie sentimentale au film d'action en passant par la comédie musicale et le thriller. Il a pour partenaire rien moins que des légendes comme Madhuri Dixit ou Manisha Koirala avec qui il joue dans Dil to Pagal Hai en 1997, film qui aujourd'hui a pris un sacré coup de vieux. Puis Yes Boss, Koyla et j'en passe.

Jusqu'à Dil Se de Mani Ratnam en 1998. Où il est partenaire d'une toute jeune débutante, Preity Zinta. Shah Rukh Khan s'efforce de mettre en avant les actrices qui l'entourent afin de ne pas prendre toute la part du gâteau pour lui. Nouveau carton la même année, en Octobre, pour Kuch Kuch Hota Hai, si célèbre, que les spectateurs chantent les paroles à tue-tête en pleine rue et apprennent les répliques du film par coeur.

Il est le Baadshah ( l'Empereur) de Bollywood, accumulant les succès, et possédant en Inde comme hors territoire une influence majeure et une renommée grandissante. Le seul acteur qui ait jamais bénéficié auparavant de ce surnom était Amitabh Bachchan, que Shah Rukh considère comme son modèle.
Il est à l'affiche de films tels que Phir Bhi Dil Hai Hindustani avec Juhi Chewla qu'il aura aussi pour partenaire dans One 2 Ka 4, parodie de Mission Impossible. Il change de registre en 2001 en interprétant le rôle audacieux d'un guerrier dans Asoka qui est un bide public. Celui-ci le préfère dans le role de l'éternel gendre idéal plutôt que de le voir tenter des choses. Ce qui n'empêche pas Asoka d'être remarquable à tous points de vue.

Résultat : nouveau carton pour sa deuxième collaboration avec La Famille Indienne, où il est à nouveau dans les bras de Kajol, actrice pour lequel il éprouve une profonde amitié et admiration (comme on le comprend !)
Le couple fait des étincelles, sur des chorégaphies endiablées ou romantique dont Suraj Sua Maddham resté fameux pour son décor de pyramides d'Egypte.

Contacté par Sanjay Leela Banshali il se perd dans l'adaptation monumentale de Devdas, remake du classique de 1952 où son cabotinage se transforme en une lourde performance démonstrative dans le rôle titre. La surcharge esthétique constante, l'absence de rythme achèvent de rendre Devdas imbuvable. Il monte cependant les marches de Cannes en 2002 alors quasi inconnu en France hormis des fans qui ont déjà vu ses films, au bras d'un certaine Aishwarya Rai ancienne Miss Monde.

Il passe a la comédie dramatique, au pur masala avec le petit bijou New York Masala, réalisé par Nikhil Advani dans lequel il interprète Rahul, ange gardien "tombé" du ciel qui réconciliera des êtres chers et leur permettre de vivre le grand amour. Beau succès pour ce beau film dans lequel il retrouve Preity Zinta, au jeu mûri et à la beauté frappante.
Saif Ali Khan ajoute l'autre touche masculine d'un film très sensible, qui laisse parler le personnage féminin à la première personne avec une utilisation judicieuse de la voix-off.

Il se lâche en 2004 avec Main Hoon Na, récréation offerte par son amie et chorégraphe de talent Farah Khan qui veut faire un film d'action avec plein de gadgets, de blagues potaches et de chorés. Semi-réussite ou semi-ratage, le film se regarde sans déplaisir.
Il tourne en parallèle le magnifique Veer-Zaara de Yash Chopra, où il est Veer, pilote de l'armée indienne qui va se battre pour retrouver son nom, donc son identité et son amour propre. Histoire d'amour fou, de réconciliation, de fraternité, qu'il embrasse avec un jeu ouvert et une fraîcheur revigorante à trente neuf ans.

Mais le meilleur de sa carrière, la maturité ne vient-elle pas avec ce cadeau offert par Ashutosh Gowariker et son Swades, film où il interprète un agent de la Nasa qui revient sur son histoire tout en promouvant le progrès dans son village natal ? A quarante ans, il est alors au sommet, un film se produisant sur son nom, les réalisateurs se bousculant pour le faire jouer. Il en profite alors pour produire les films qui l'inspirent plus ou moins, comme Kaal ou Paheli, échec retentissant au box office.
Il revient en 2006 avec Khabi Alvida Na Kehna où il fait du mauvais Shah Rukh, se parodiant lui-même dans le rôle du mari blessé qui commet l'adultère. Four artistique et film trop moralisateur pour fonctionner sur le spectateur occidental et indien, il est à oublier au plus vite. Farhan Akhtar lui propose Don, petit modèle de mise en scène qu'il se délecte à interpréter, trente ans après Amitabh. La boucle est bouclée.

Shah Rukh revient en 2007 avec Chuk de India où il sera entraîneur d'une équipe de hockey féminin, puis dans le nouveau Farah Khan.
Il est aujourd'hui la plus grande star de Bollywood, en compétition directe avec des acteurs comme Hrithik Roshan et Aamir Khan.
Shah Rukh est un acteur qui m'aura souvent fait pleurer, je pense notamment à New York Masala, et rien que pour cela, pour ses moments d'émotion intenses, je lui voue admiration et respect.
L'exemple d'un homme venu de nulle part, qui devient un monument du cinéma indien et du cinéma tout court, un exemple vivant de réussite sociale et professionnelle, qui lors de sa venue à Paris en Avril 2006 nous a fait partager son professionnalisme mais aussi son étonnante authenticité, son humilité et sa foi. Celle d'un homme admiré par des millions de personnes qui a su garder les pieds sur terre.

MON AVIS :
Un regard malicieux, un talent certain pour la danse, une tendance à cabotiner et à en faire des tonnes dans certains films, mais bon on le prend tel qu'il est, tant son personnage est attachant. Son nom demeure associé aux plus grands succès du film musical indien des 10 dernières années. Impossible d'échapper au phénomène en Inde : on le voit partout. Sur des panneaux publicitaires géants pour le savon Lux ou Pepsi Cola, dans l'épicerie du coin sur des barres chocolatées...
Si son nom est encore ignoré des personnes qui ne s'intéressent pas du tout au cinéma indien, comme tu le remarques, il est super connu dans les DOM, à la Réunion, principalement (compte tenu notamment de l'importante communauté indienne). La fausse rumeur de son décés avait causé là-bas l'émoi des collégiennes. Son passage dans un show 100 % play back (et pour cause, car il est toujours doublé pour le chant, comme toutes les stars du cinéma indien) avait fait sensation. Il a mis le public dans sa poche en criant à la foule "voulez vous coucher avec moi"(les seuls mots de français qu'il connaisse)! Et pourtant justement, le fait qu'il fasse un spectacle en play back avait été vivement critiqué par la presse locale - je me demande ce que ça donnerait s'il venait faire son show en métropole...
Pour les amateurs de films musicaux qui ignorent encore tout du cinéma indien, une séance de Devdas ou de la famille indienne s'impose : évidemment, on met parfois un peu de temps à rentrer dans le film, à s'habituer au rythme, aux danses un peu saccadées, à l'aspect ultra sentimental, aux voix très aigües des chanteuses mais une fois qu'on est "happé", on tombe sous le charme.

dimanche 7 juin 2009

les Nicholas Brothers, la plus éblouissant duo de danseurs à claquettes





Parmi les danseurs les plus éblouissants et les plus spectaculaires de l’histoire du film musical, réservons une place toute particulière aux Nicholas brothers. Il faut les avoir vu danser pour le croire tant leur souplesse, leur dynamisme et leurs acrobaties ont quelque chose de surnaturel : le génial Fred Astaire n’a-t-il pas lui-même déclaré que le numéro des Nicholas dans Stormy Weather était la meilleure séquence de comédie musicale qu’il ait jamais vu ? Fayard (né en 1914 à Philadelphie) et Harold (né en 1921) évoluent depuis leur plus jeune âge dans le milieu du show business. Leurs parents sont musiciens et les emmènent voir les plus grands artistes noirs du moment, notamment le grand Bill Robinson. Sans avoir suivi de cours particuliers, Fayard se révèle très vite un as de la danse, et copie les numéros des stars qu’il a vu sur scène pour épater ses copains. Par mimétisme, son tout jeune frère ne peut s’empêcher de suivre son exemple. Très vite, Fayard et son petit frère sont remarqués et font en 1932 leurs débuts au Cotton Club le mythique cabaret dans lequel les plus grands jazzmen noirs (Duke Ellington, Cab Calloway, Ethel Waters…) se produisent devant un public blanc. Aussi doués pour la fantaisie, le chant que pour la danse acrobatique, les jeunes gens font un tabac. En 1936, ils font un malheur aux Ziegfeld Follies et éclipsent Joséphine Baker, qui reçoit un véritable camouflet des spectateurs américains, incapables de comprendre le succès de celle-ci auprès du public français. avec Joséphine Baker Les Nicholas sont très vite engagés à Hollywood afin d’apparaître dans de courts passages de comédies musicales (comme kid Millions, the big broadcast of 1936…) : il s’agit simplement de numéros dansés en guest-star : jamais ils ne joueront un véritable rôle dans un film. En 1940, avec l’aide du chorégraphe Nick Castle, les deux frères signent un contrat avec la Fox. C’est pour ce studio qu’ils feront leurs films les plus populaires et les plus mémorables. Dans Sous le ciel d’Argentine, leur premier film en couleurs, leur numéro énergique est particulièrement remarqué. Même chose pour leurs danses échevelées dans la fameuse séquence du Sheik d’Arabie de Tin pan Alley (1940) avec Alice Faye et Betty Grable. Notons d’ailleurs que leur numéro sera pas mal trituré par la censure en raison des girls très déshabillées au fond du décor. En revanche, il semble que contrairement au sort réservé à Lena Horne à la MGM, la Fox avait prévu une clause au contrat des Nicholas prévoyant que leurs passages ne seraient pas coupés, même dans les états racistes du Sud : sage décision d’autant plus que leurs numéros était souvent le clou des films en question ! Des esprits chagrins se sont plaint bien plus tard que les Nicholas n’avaient jamais participé aux mouvements anti-racistes et qu’ils s’étaient acomodés du système, en acceptant les règles d’Hollywood et en se contentant de passages dansés en guest-stars alors que les Fred Astaire, Gene Kelly et les autres artistes blancs avaient droits aux rôles principaux, aux meilleures chansons, etc… Mais qu’auraient ils pu faire dans le Hollywood de l’époque ! Jamais on ne leur aurait permis de danser avec Betty Grable, la vedette de deux de leurs films, comme l’a dit Harold. En 1941, dans « Tu seras mon mari », les Nicholas dansent sur le célèbre air de Glenn Miller « Chatanooga choo choo » avec la toute jeune Dorothy Dandridge. La future star de Carmen Jones sera la première épouse d’Harold. Un mariage malheureux qui tournera court : Harold est infidèle, et leur fille naît gravement inadaptée. Elle sera placée dans un institut spécialisé. avec Dorothy Dandridge. Le plus mémorable numéro des Nicholas, c’est évidemment le « Jumpin’jive » du film Stormy weather (1943) qui de Fats Waller à Bill Robinson réunit les plus grands talents noirs du show business américain. L’histoire n’est pas folichone mais les artistes sont tous éblouissants. Sans doute stimulés par cette incroyable concurrence, les Nicholas se révèlent tout bonnement incroyables, défiant la pesanteur, se jetant dans les escaliers pour effectuer une série de grands écarts impressionnants, et sans les mains! En 1946, les Nicholas jouent dans un spectacle de Broadway, St Louis Woman avec Pearl Bailey. Seule la chanson « come rain or come shine » interprétée par Harold deviendra un succès, que Margaret Whiting puis une liste incalculable de chanteurs mettront à leur répertoire. En 1948, les Nicholas dansent avec Gene Kelly dans le fameux et merveilleux « Pirate » de Minnelli, probablement leur meilleur film. La séquence « be a clown » (une chanson qui sera largement plagiée pour le fameux air Makin’ laugh de Chantons sous la pluie), dirigée avec acharnement par Kelly, répétée et filmée pendant toute une journée, les laissera sur les rotules. La même année, le duo a l’honneur de donner une représentation pour la cour royale d’Angleterre. Dans les années 50, les deux artistes vont effectuer des tournées dans le monde entier. A l’occasion, on les verra dans divers films internationaux, dans lesquels comme à Hollywood, ils se contentent d’un numéro musical, comme dans je suis de la revue (1951) avec Fernandel et Suzy Delair, Bonjour Kathryn (1956) avec Caterina Valente. Comme beaucoup d’artistes blacks en tournée, les deux frères ont un véritable coup de foudre pour l’Europe : on les accueille comme de vraies stars sans aucun problème de racisme (alors qu’à Las Vegas, les grandes stars blacks étaient souvent obligées d’emprunter des passages dérobés pour venir chanter dans des hôtels dans lesquels elles n’avaient même pas le droit de loger ou d’utiliser la piscine. Sous le charme, Harold décide de s’installer à Paris et de continuer sa carrière de danseur mais surtout de chanteur en solo : il va ainsi enregistrer plusieurs disques en français au début des années 60, dont un EP avec seulement des madisons, la danse en vogue en 1963. Il va également tenir son premier vrai rôle de composition dans un polar français dont Eddie Constantine est la vedette. Dans les années 70, les deux frères de retour aux States fondent une école de danse dont certains élèves deviendront célèbres à leur tour : Janet et Michael Jackson, Debbie Allen. Les petites filles des frères Nicholas monteront également leur propre show : les Nicholas sisters. A la fin de leur vie, les hommages vont se succéder : une soirée spéciale au Carnegie hall, une médaille remise par George Bush, une étoile sur Hollywood boulevard. Occasionnellement, on retrouve Harold dans des films comme taps avec le grand danseur black Gregory Hines (qui jouera par la suite le rôle de Bill Robinson à l’écran). Grand admirateur des Nicholas, Gregory Hines déclarera qu’il serait impossible de tourner un biopic sur la vie des Nicholas car personne ne serait capable de danser de façon aussi spectaculaire qu’eux, à moins de recourir à de trucages ! Les Nicholas brothers nous ont quitté (Harold en 2000 et Fayard l’an dernier), mais les fans de la comédie musicale ne risquent pas de les oublier.