samedi 5 février 2011

Frankie Vaughan, un crooner au clair de lune




Pour les cinéphiles, le nom de Frankie Vaughan est associé à celui de Marilyn Monroe et son film le Milliardaire. Un crooner robuste et souriant, qui fut surtout un grand personnage de la chanson et de la scène britannique, un gentleman égrainant ses romances jazzy, toujours impeccablement vêtu de son smoking de son chapeau haut de forme. Egalement un homme de cœur toujours très investi dans les œuvres de charité et notamment les associations sportives pour la jeunesse en difficulté.
Né en 1928 à Liverpool, Frankie Vaughan a été élevé par sa grand-mère russe, une femme optimiste et courageuse qui croyait fort en lui. Tout en se consacrant avec énergie à différents sports (football et boxe), il a commencé à chanter dans la chorale de la synagogue. Comme beaucoup d’enfants, il sera évacué à la campagne pendant la guerre pour échapper aux bombardements allemands. Après avoir remporté un deuxième prix lors d’un concours radiophonique, le jeune chanteur remporte un succès immédiat dès sa première apparition sur la scène du Old Kingston Empire en 1950. Plus que son ample voix, c’est sa façon de bouger, son agilité qui surprennent le public. Sous les conseils de Hetty King, une légende du music hall britannique du début du 20ème siècle, il adopte le chapeau haut de forme, le nœud paillon, la cane, panoplie qui ne va plus le quitter. Si le chanteur triomphe sur scène, les compagnies discographiques sont plus frileuses devant cet artiste très visuel. Finalement, la compagnie HMV l’engage et les succès vont s’accumuler à un rythme impressionnant. La chanson « give me the moonlight, give me the girl » qu’il interprète nonchalamment est un tube que ses fans lui réclameront tout le long de sa carrière. Parmi ses premiers succès, on remarque plusieurs rocks de la première heure comme tweedlee dee ou kewpie doll qu’il chante avec énergie de sa belle voix grave. Il n’a pas son pareil pour les interpréter sur scène, en maniant son haut de forme ou son canotier avec une dextérité remarquable, ou en levant très haut la jambe : son étonnante interprétation de the green door est un vrai spectacle !
Le chanteur devient immédiatement le chouchou des jeunes spectatrices qui sont séduites son allure virile et son répertoire entraînant. Frankie Vaughan reste pourtant un mari fidèle, très dévoué à sa famille. Il consacre une partie de ses cachets eu financement d’associations sportives destinées à de jeunes adolescents issus de milieux défavorisés.
Lors d’un gala de charité, la chanteur rencontre la star de cinéma Anna Neagle et son mari Herbert Wilcox, qui sont impressionnés autant par son talent que son investissement dans des associations humanitaires et lui proposent de produire une série de films avec lui. Fasciné par le monde du cinéma, le chanteur, qui a déjà figuré dans une comédie assez drôle d’Arthur Askey accepte à cœur joie. Le couple Neagle/Wilcox entreprend d’élaborer un film spécialement conçu de la chanson en s’inspirant de sa modeste enfance près des docks de Liverpool, tout en évoquant la délinquance des quartiers ouvriers. Si Les années dangereuses (1957), film moralisateur et peu en phase avec la réalité remporte un gros succès commercial, le chanteur de 29 ans n’est guère convaincant en mauvais garçon. Il interprète 3 chansons dans le style qui a fait sa gloire.
Wonderful things (1958) relate avec ingénuité la romance d’un pêcheur espagnol remarqué par une femme du monde. The heart of a man (1959) (avec la très sexy Anne Heywood) qui raconte l’ascension d’un marin au chômage qui devient chanteur à succès est encore plus daté si possible : seule la chanson-titre connaîtra le succès. Dans the lady is a square, il incarne un chanteur de variété rejeté par la maman de sa fiancé qui méprise ses origines modestes et ses chansons modernes… une comédie bien terne dans laquelle Anna Neagle la productrice parait également à l’écran pour la dernière fois (le film figure dans le coffret DVD consacré à l’actrice).
Le chanteur alterne les tournages avec l’enregistrement de disques à succès comme Kisses sweeter than wine, repris en français par Hugues Aufray ou Come softly to me connu chez nous par Marcel Amont (tout doux tout doucement).
En 1960, il est engagé à Hollywood pour tourner dans une comédie musicale de G Cukor aux cotés de la mythique Marilyn Monroe, la plus grande star de l’écran : une chance inouïe pour accéder à la renommée internationale. Pourtant, le chanteur a beaucoup de mal à s’imposer à l’écran, et essuie de violentes critiques : on lui reproche de chanter faux (n'importe quoi!), d’avoir un air balourd, d’être inutile…Il est vrai que les chansons ne sont guère folichonnes et que l’ensemble du film est assez décevant. En tous les cas, on peut se demander si Yves Montand, l’autre star du film, ne s’est pas inspiré par la suite de l’allure de son partenaire Frankie lors de ses derniers tours de chant, en adoptant à son tour le chapeau claque et quelques mimiques du crooner britannique. Il semblerait que Marilyn Monroe ait beaucoup apprécié sa collaboration avec Frankie Vaughan… et lui aurait proposé de « répéter les dialogues » chez elle en tête à tête. En tout état de cause, Marilyn se tournera très vite vers Montand et Frankie Vaughan retournera à sa femme et ses enfants !
Aux USA, Frankie Vaughan joue également the right approach avec Martha Hyer (1961) et la superbe danseuse Juliet Prowse., un drame assez médiocre où il joue plutôt bien son personnage arrogant et manipulateur, entre deux vilaines chansons.
Après cet échec, l’acteur, déçu par la faune et les mirages hollywoodiens retourne en Angleterre pour se consacrer désormais uniquement à sa carrière de chanteur , à sa vie de famille et à la pêche à la ligne, son passe temps favori. Un retour gagnant car son nouveau tube « tower of strength » un de ses morceaux les plus punchy, se classe d’emblée du n°1 du top britannique. Tout au long des années 60, il décrochera encore des succès en reprenant des tubes de Dean Martin ou Al Martino. Mais ce sont des airs jazzy très show business comme Hello Dolly, Cabaret ou Mame qui collent le mieux à son personnage.
Toute sa carrière, Frankie Vaughan a rêvé de jouer dans une comédie musicale sur scène : l’occasion lui en sera donnée en 1985 dans une adaptation scénique du film 42nd street, composée des fameux airs d’Henry Warren.
Frankie Vaughan nous a quittés en 1999 d’une crise cardiaque. Son constant dévouement à de nobles causes et sa simplicité sont toujours loués par ses amis : un documentaire sur DVD lui a été consacré l’an dernier ; à ceux qui souhaiteraient le découvrir, je ne peux que conseiller un CD avec ses grands tubes comme sa version entrainante du Milord de Piaf, ses duos avec la pétillante Alma Cogan ou évidemment « tower of strength ».

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