dimanche 26 avril 2009

John Payne, pin-up boy de la Fox





En France, quand on évoque le nom de John Payne, on pense surtout à un Robert Mitchum de séries B, évoluant principalement dans des westerns et des films noirs des années 50. Pourtant pendant la guerre, il fut la vedette masculine de nombreuses comédies musicales à gros budget de la 20th Century Fox qui firent presque toutes un carton outre Atlantique ainsi qu’en Angleterre. Enfin, pour peu qu’on puisse parler de vedettes masculines dans les films musicaux de la Fox : aussi bien l’intrigue que les numéros musicaux étaient destinées à mettre en valeur les stars féminines (Alice Faye « la blonde câline », Betty Grable « la pin up aux jambes d’un million » ou Sonja Henie « la patineuse à fossettes ») qui dominaient le show. Les acteurs (Don Ameche, John Payne, Cesar Romero) étaient interchangeables !
Si ces films n’ont pas laissé chez nous un vif souvenir, il faut rappeler que pendant l’occupation allemande, les films américains étaient interdits sur le sol français, de sorte que nombre de films de la période 1940-1944 sont sortis à la sauvette après la libération et que certains n’ont même pas été exploités chez nous.


Né en 1912, dans une famille très fortunée (son père est gentleman farmer), John connaît une enfance très dorée… jusqu’au crash boursier de 1929. Après des études de journalisme et d’art dramatiques et des petits boulots à la radio, John Payne est repéré par Samuel Goldwyn qui lui offre un rôle dans Dodsworth avec Ruth Chatterton. Après de nombreux tests sans succès auprès de presque tous les studios d’Hollywood, John Payne décroche un petit contrat avec la Paramount. Selon ses propres mots « love on toast » est le pire navet jamais filmé, quant au College swing (déjà avec une Betty Grable, attendant son heure de gloire), le film est « si raté que le studio vira tout le monde après le tournage».

Après 8 films en un an à la Warner, c’est la Fox qui va faire faire de John Payne une star (grâce à Stardust (1940) il donne la réplique à Linda Darnell « qui continuait d’aller à l’école entre les tournages » et surtout Tin Pan Alley (Adieu Broadway) de Walter Lang. Un musical patriotique dont l’action se situe à la veille de la première guerre mondiale, et qui tombe à point nommé dans cette période troublée. Ajoutons un passage très sexy avec la gracile Betty et la pulpeuse Alice dansant dans un harem en tenues transparentes, et on comprendra l’émoi des spectateurs ! C’est vraiment un film très alerte et franchement sympa (notamment les deux numéros très bien chantés par la chaude voix de Miss Faye en duo avec Payne). Tu seras mon mari (1941) est le meilleur film de la patineuse Sonja Henie, avec une idée intelligente pour utiliser cette championne aussi douée sur glace qu’inexpressive dans les scènes de comédie. Mais si cette oeuvrette est passée à la postérité (et a eu l’honneur d’être le premier film US exploité en France après la libération), c’est à cause des indémodables mélodies de l’orchestre de Glenn Miller !

Misant sur le physique avantageux de Payne, la Fox multiplie les photos de l’acteur en maillot de bain ou sur un ring de boxe, faisant de lui un des premiers « beefcake » playboy de l’histoire du cinéma (peu avant Guy Madison).

John Payne retrouve ensuite Alice Faye dans trois comédies musicales : Radio cavalcade (1941), week-end à la Havane(1941) et Hello Frisco Hello(1943), trois énormes succès commerciaux, surtout le troisième, qui lance la vogue des films musicaux belle époque comme le Chant du Missouri. Si à chaque fois, la présence virile de John Payne ne passe pas inaperçue, c’est bien Alice Faye avec sa chaleur caractéristique et sa belle voix sombrée qui séduit les spectateurs. Quand John Payne ne serre pas dans ses bras la tendre Alice Faye, il charme à l’écran la pétulante Betty Grable au charme moins subtil mais plus énergique. De toute façon, ses rôles sont les mêmes : le joli cœur vaniteux et ambitieux qui finit par céder aux vrais sentiments. Coté chansons, il a une voix de crooner plutôt bien posée mais fort peu étendue (le compositeur Harry Warren veillait à lui composer des refrains pour son registre qui ne dépassait pas quelques notes).


Lassé de ces rôles souvent bien inconsistants et si similaires, John Payne n’a pas eu trop de regret en quittant les studios pour joindre l’armée de l’air (il avoue très humblement qu’il n’a jamais participé aux combats, n’a pas quitté les camps d’entraînement).
De retour à Hollywood, Payne se fâche avec la Fox qui s’obstine à lui confier les mêmes rôles de bellâtre. Il tourne encore un ultime musical « Wake up and dream » avec la ravissante June Haver, nouvelle pin up du studio (et blonde, bien entendu) : une sorte de conte philosophique pour enfant, qui possède un charme certain, dans lequel John Payne, tête d’affiche apparaît à tout casser 10 minutes ! Mais on se souvient plutôt de Miracle sur la 34ème rue, un conte de Noël avec la petite Natalie Wood ou du fil du rasoir. Désormais en free-lance, John va se tourner vers les films d’aventure et les westerns.

Des films de série B, sans prétention aucune (mais Payne ne s’est jamais considéré comme un grand comédien), mais pas désagréables à voir, pour qui a conservé son âme d’enfant. Chanteur guimauve, gangster, cow-boy ou pirate, il a enfilé toutes les panoplies du film d’évasion dont le seul mais louable but était de divertir. En 1955, John Payne débourse 1000 dollars par mois pour obtenir le droit d’adapter Moonraker de la série des James Bond, avant de finir par renoncer à son projet….Dommage.

En 1961, Payne est victime d’un grave accident de voiture. Défiguré (il gardera des cicatrices visibles toute sa vie), la jambe gauche brisée en 5 endroits, son cas reste critique plusieurs mois. Rétabli après une longue et pénible rééducation, l’acteur ralentit ses activités et se tourne vers la télévision (épisodes de Gunsmoke, inspecteur Columbo…). Au début des années 70, il a même fait un retour nostalgique sur les planches dans une adaptation de l'opérette Good news avec sa vieille collègue Alice Faye.
John Payne est décédé d’une crise cardiaque en 1989. Il laisse 3 enfants de ses mariages avec Anne Shirley (actrice RKO des années 30, connue pour Murder my sweet) et la chanteuse des films MGM, Gloria de Haven.
Après la ressortie progressive des Marquee musicals de la Fox, on peut imaginer qu’un jour les nombreux films d’aventure que nos parents allaient voir dans leur prime jeunesse en double programme dans les cinémas de quartier ressortiront un jour pour nous captiver (peut-être) à leur tour.

dimanche 19 avril 2009

Raphael, le rossignol espagnol




Le jeune chanteur français Raphaël, interprète de « caravane », « dans 150 ans » pour tenter de faire carrière en Espagne a été obligé de rajouter son nom de famille à son nom d’artiste, car là- bas et dans toute l’Amérique du Sud son prénom est déjà celui d’une des plus grandes vedettes de la chanson depuis 45 ans.Elevé dans une famille très pauvre, le jeune Rafael Martos se fait remarquer très tôt lors d’un concours de chant en Autriche. Dès le début des années 60, il enregistre les succès du moment comme « Cuando caliente el sol », connu en France par Gloria Lasso sous le pseudo de Raphael. Sa voix très puissante et sa façon très dramatique d’interpréter les chansons vont rapidement lui valoir une gloire sans égal, dans un pays où régnaient surtout les chanteurs folkloriques et de flamenco. Parmi ses morceaux de bravoure, la version espagnole d’Et maintenant et surtout une excellente interprétation de la nuit d’Adamo.En 1965, il fait forte impression à l’eurovision de la chanson avec « Io soy aquel ». Si la chanson ne finit pas dans le peloton de tête, elle fait un malheur dans toute l’Espagne : immédiatement, Raphaël se voit proposer un rôle au cinéma dans « Cuando tu no estas ». : Celui d’un jeune chanteur qui devient célèbre mais ne peut retenir la fille qu’il aime. Un vrai mélo, parsemé de chansons (environ une toutes les 10 minutes, dont Io soy aquel) qui véhicule le cliché du chanteur populaire malheureux en amour. Raphaël y donne l’image d’un jeune homme bien élevé (proche d’Adamo, dont il reprend quelques succès), timide et triste, voire franchement dépressif. Les films suivant Digan lo que digan, al ponerse el sol sont battis selon le même schéma. Après tout pourquoi changer une formule qui marche ?Alors que la gloire du chanteur devient internationale (nouvelle participation à l’Eurovision, tournée aux USA, en URSS, triomphe au Carnegie hall, passage à Paris à l’Olympia, grande popularité au Mexique et en Argentine), on lui propose un film à gros budget « El golfo » tourné à Acapulco, aux cotés d’une Shirley Jones sur le déclin. La variété des morceaux musicaux, très connus pour la plupart (Hava naguila, l’amour est bleu, going out of my head), et chantés à pleine voix par le jeune Raphaël, dans de ravissants décors naturels, rattrapent largement une histoire vraiment sans intérêt (une femme entre 2 âges qui s’éprend d’un jeune homme insouciant pendant les vacances). Au moins, dans ce film, Raphaël semble abandonner l’image du jeune homme désespéré. Dans le film suivant « Sin un adios », on revient à la formule classique: une superstar de la chanson, dont la fiancée (Lesley Ann Down) incapable de trouver sa place entre les fans de ce dernier et son travail préfère se suicider. A noter que film compote plusieurs scènes de comédies musicales, assez ratées en fin de compte, et d’un humour plutôt douteux comme celle où l’on voit des nourrissons attachés à un fil par des pinces à linge ou Raphael tenu en laisse par des femmes. On retiendra surtout sa tragique interprétation de la balade de la trompette en costume de clown. En 1970, on le retrouve dans El Angel, en chanteur de cabaret mêlé à la pègre devenu prêtre suite à un chagrin d’amour. Le passage avec les prêtes en soutane chantant la bamba bât des records de ridicule. Bien évidemment, Raphaël nous gratifie d'un ave Maria et d'une reprise du I believe de Frankie laine, avec un accent espagnol des plus corsés.Mais après tout, pourquoi pas ? Ses films sont uniquement un prétexte pour permettre au chanteur d’interpréter le maximum de ses chansons. : de la variété populaire chantée avec vigueur et émotion, de façon parfois un peu affectée.En 1972, le chanteur se marie avec une romancière dont il aura 3 enfants (de nombreuses rumeurs d’homosexualité, dues notamment aux manières efféminées du chanteur avaient auparavant beaucoup couru sur son compte).Il tourne alors son dernier film, Volvere a nacer, très certainement le plus intéressant. Un huis clos un peu macabre, dans lequel il incarne un chanteur pris au piège de son attachée de presse folle de lui et folle tout court. qui échafaude un plan machiavélique pour éviter qu’il la quitte. L’intrigue complètement tirée par les cheveux est absolument impossible à croire, mais on est ravi de découvrir enfin un Raphael dans un rôle différent (qu’il joue fort bien d’ailleurs) et dans des scènes assez sensuelles avec les très jolies Veronica Castro et Isela Vega (laquelle deviendra à la fin des années 70 la grande Star du film érotique mexicain).Raphael continuera par la suite à connaître de grands succès discographiques (notamment une salsa à la Ricky Martin « escandalo » au début des années 90) , à animer des shows télé (avec Gina Lollobrigida entre autres) et à jouer dans des comédies musicales à Madrid (Jekyll et Hyde). Il y a 3 ans, Raphael, atteint d’une hépatite a du subir une greffe du foie. L’opération a parfaitement réussi et il a repris le cours de ses tournées en Amérique du Sud. Un coffret de ses films les plus connus est disponible en Espagne, ainsi que de très nombreuses compils en CD.

samedi 18 avril 2009

Roy Black, le tragique destin du prince de la guimauve



Dans les années 60, la chanson était devenue un marché très lucratif en Allemagne, pays qui comptait le plus de vente de disque par habitant. L’histoire de Roy Black, le crooner à la voix tendre qui s’est illustré outre Rhin dans de nombreuses comédies familiales de basse qualité, c’est la tragédie d’un jeune homme naïf broyé par le show business.

Né en 1943, Roy Black est remarqué par un producteur des disques Polydor qui lui signe un contrat alors qu’il donne des concerts de rock avec ses copains dans la salle des fêtes de sa ville. Fan de Roy Orbison (auquel il a emprunté le prénom de son pseudonyme), le jeune homme est plutôt branché rock n’roll, pourtant son producteur, séduit par la voix originale du jeune homme et son physique de play-boy envisage pour ce dernier un tout autre répertoire. On est alors en pleine phase de ressac après la vague yéyé, et l’année 1965 marque un retour à la chanson romantique (avec en France l’éclosion d’Hervé Vilard, Christophe ou Pascal Danel). Pressentant la même évolution, la firme Polydor ne propose à Roy que des romances sirupeuses, que le jeune homme, effaré dans un premier temps, est bien obligé d’enregistrer : c’est le triomphe immédiat (ganz in weiss et du bist nicht allein comptent parmi les plus gros tubes de l’année).

La jolie voix charmeuse de Roy colle bien avec ces chansons hyper sentimentales. Son large sourire et son regard enfantin séduisent les midinettes. Très rapidement, Roy passe des studios d’enregistrement aux plateaux de cinéma, où l’on perpétue son image de gendre idéal dans une série de comédies souvent fort médiocres, saupoudrées de quelques chansons.
Son premier film en vedette « Ces sacrés professeurs »1968, est une comédie de potaches située dans un collège de jeunes filles (un genre très populaire en RDA). Sa partenaire est la jolie brunette Uschi Glas qui va lui donner la réplique dans la plupart de ses films (Uschi qui tournera ensuite avec Gabin, continue toujours sa carrière dans des séries policières allemandes. Sa popularité est telle que ces récents problèmes conjugaux et les effets désastreux de la crème anti rides dont elle assurait la promotion lui ont valu pendant des mois la une des journaux).

Dans « laquelle des deux », Roy est en vacances au bord d’un lac et tente encore de séduire Uschi (qui incarne des jumelles). Là non plus, rien de bien palpitant. Seul intérêt, pris au troisième degré, ce genre de films peut sociologiquement donner une vague idée des vacances à l’allemande !
Rira bien qui rira le dernier (1970), dans lequel Roy est garçon d’hôtel auquel on confie un petit bébé est un peu meilleur et parfois drôle (surtout grâce à l’amusant Georg Thomalla).

En revanche, que dire d’Idylle en plein vol (1970) avec Lex Barker (un ex tarzan des années 50). Il est difficile de faire plus mièvre que ce film qui semble adapté d’un nous deux ou d’un roman Harlequin (l’amour impossible entre un pilote de ligne et une princesse thaïlandaise) : c’est déconcertant de stupidité, et le sourire mielleux et un peu niais de Roy n’arrange rien. Quant aux silhouettes qui s’embrassent sur fond de soleil couchant, c’est à la rigueur drôle au ixième degré…

Dr Froelich, le spécialiste des cœurs (1971) ne vaut guère mieux : tout est dans le titre ! On peine à suivre les aventures du gentil pédiatre. Les numéros (chantés ou non) avec les gosses sont insupportables de mièvrerie et de bons sentiments. Avec tant de saccharine, les spectateurs allemands risquaient vraiment de devenir diabétique ! Etait-ce pour contrebalancer le poids des comédies érotiques alors en passe d’envahir tous les écrans en Allemagne, et réserver un petit espace à des films convenant à un public plus familial?
On se demande ce que Roy Black, qui détestait ses chansons, pensait des personnages doucereux qu’on le forçait à incarner à l’écran et de la qualité des films proposés ? Peut-être sa trajectoire aurait pu changer si Roy s’était rendu à l’entretien que lui avait arrangé son producteur avec Brian Epstein, le producteur des Beatles ? (Roy avait préféré se rendre à un rendez-vous galant.)

En tous les cas, c’est avec un schlager très basique (qui a du faire un malheur à la fête de la bière), et très très loin du répertoire des Beatles et de Roy Orbison, qu’il triomphe en 1971, en duo avec Anita, l’enfant vedette norvégienne. La gamine fera une apparition en guest-star dans ses deux films suivants. Grün ist die heide (1972) est une tentative de revival du schlagerfilm (film folklorique) qui avait fait un malheur dans les années 50. Un genre désuet que le film achève d’enterrer.

Si Roy Black a aligné les disques d’or entre 1965 et 1972, il faut bien préciser qu’il ne faisait pas du tout l’unanimité et que beaucoup de jeunes détestaient son personnage et ses chansons guimauve. A compter de 1973, la chanson en langue allemande va vite sombrer dans les hit parade, en emportant Roy Black dans la tourmente.
Le chanteur complètement pris de cours par ce revers de fortune et la défection de son producteur sombre dans la boisson. Abonné désormais aux tournées dans des coins de campagne, il s’écroule ivre mort lors de son passage dans une fête villageoise.
La nostalgie aidant, Roy Black parviendra à faire un come-back réussi dans la chanson dans les années 80 (notamment avec une adaptation allemande d’un tube de son idole Roy Orbison). Les traits épaissis par l’alcool, on le retrouve aussi en vedette dans une série TV allemande à succès pourtant déplorable « l’hôtel des passions » , qui sera diffusée sur TF dans les années 90.(le seul intérêt étant l’apparition en guets stars de vedettes du cinéma allemand comme Hildegard Knef). Alors que le succès est de nouveau au rendez vous, et qu’il vient d’être papa, Roy Black décède en 1991, le cœur et le corps sans doute usés par ses excès passés.

Triste paradoxe que la carrière de ce chanteur, dont le personnage artistique ne correspondait nullement à ses goûts et à ses aspirations. Un téléfilm allemand « the Roy Black story » a fort bien relaté les problèmes de l’artiste et ce décalage profond qui l’a fait sombrer dans la boisson. Il s’agit également d’une attaque virulente envers l’industrie du disque qui a complètement broyé un pauvre type à la jolie voix, qui entre toutes autres occupations, préférait pécher à la ligne à la campagne.(Pourtant chose curieuse, quand occasionnellement, la chance fut offerte à Roy de chanter du rock à l’occasion d’un show TV, il n’a guère fait d’étincelles ! Il était en fait bien meilleur dans le genre guimauve qu’il exécrait)
En Allemagne, il existe toujours des fans-clubs de Roy Black et j’ai eu l’occasion de voir un reportage très corrosif et assez consternant sur une fête très « bidochone » et très arrosée donnée par des fans du chanteur, avec photos de Roy encadrées par des lumières, gâteaux à la crème à son éfigie….
Pauvre Roy Black : si ses films sont à fuir pour la plupart, force est de constater qu’il avait une jolie voix charmeuse immédiatement reconnaissable, qui apportait une certaine qualité aux romances qu’on lui a confiées et que certains des titres qu’il a interprétés à ses débuts ne sont pas désagréables (le sirop, à petite dose après tout, c'est plutôt bon), notamment sa reprise sucrée à souhait de What a wonderful world.

Aamir Khan, la fierté de Bollywood





Portrait réalisé en 2007 par Jordan White

Je me permets de poster ici dans le topic des vedettes masculines de la comédie musicale pour dresser le portrait d'un de mes héros de cinéma et une de mes idoles tout court même si c'est pas tout à fait naphtaliné. Monsieur Aamir Khan. Né le 14 Mars 1965 à Mumbaï, anciennement Bombay, en Inde, le jeune Aamir démarre sur les chapeaux de roue dès l'âge de 8 ans. Il faut dire que son père et son oncle sont producteurs de cinéma ( tout comme Kajol, Rani Mukherji ou Hrithik Roshan qui ont aussi des proches ayant travaillé dans le ciné, à ce sujet, Aishwarya n'a pas de parents liés au milieu à la base tout comme Shah Rukh qui s'est construit tout seul et dont la vie est à elle seule est un Bollywood). Il débute donc dans Yadoon Ki Baaraat en 1973 puis Madhosh en 1974. J'ignore si ces films sont disponibles sur quelque support que ce soit mais j'aimerais bien les découvrir. Il tourne ensuite un peu plus tard Holi en 1984 sous la direction de Ketan Metha ( et non Deepa Metha, grande dame du ciné indien ). 1984 est également l'année où perce un certain Ashutosh Gowariker en tant qu'acteur qui deviendra un ami proche du jeune acteur et dont les parcours sont intimement liés. L'année de la révélation arrive en 1988 avec la sortie de Qayamat Se Qayamat Tak, une sorte de Roméo et Juliette revu et corrigé qui est un succès public. Agé de vingt trois ans, le jeune Aamir Khan s'impose comme un acteur sur qui on peut désormais compter. Il a pour partenaire la délicieuse Juhi Chewla qui aura elle aussi quelques très beaux rôles par la suite, avec des hauts et des bas cependant. Elle revient sur le devant de la scène cette année avec Bas Ek Pal d'Onir, et bientôt dans Salaam-E-Isqh de Nikhil Advani prévu pour 2007 où elle jouera aux côtés de la pointure Anil Kapoor. Qayamat Se Qayamat Tak n'est pas foncièrement original mais l'aspect jusqu'au-boutiste, comprendre le refus du happy-end fait beaucoup pour la tragédie et la puissance des dix dernières minutes. Aamir n'a pas encore la maturité de jeu qu'on lui connaît aujourd'hui mais il a un talent certain qui ne demande qu'à être travaillé. Le film est aussi resté célèbre pour son célèbre baiser qui restera ensuite effleuré durant de longues années dans toute production qui se respecte, sinon évité pour ne pas heurter le public sur une pratique, le baiser amoureux, jugé trop intime pour être montré au cinéma. Ce n'est que durant les trois dernières années que ce "tabou" a été soulevé, et les baisers enlacés apparaissent aujourd'hui sans que ça ne pose le moindre problème. Deux ans après, Aamir est à l'affiche de Dil d'Indra Kumar après avoir tourné dans trois films successifs, où apparaît à ses côtés le premier rôle féminin tenu par Madhuri Dixit, légendaire actrice, danseuse classique à la base, sublime, étincelante dans la plupart de ses rôles (elle arrive à voler la vedette à Aishwarya dans Devdas de Sanjay Leela Banshali). Elle a commencé sa carrière au milieu des années 80 et s'est peu à peu retirée depuis 2003 au grand dam de ses fans qui rêvent d'un comeback. Ce qui pourrait être le cas avec le projet Engineer Dil est une histoire d'amour tourmentée entre un homme et une femme meurtris par leurs relations houleuses avec leurs parents qui ne veulent pas de leur union. Même s'il est de nos jours daté sur le plan de la réalisation, il demeure une pièce maîtresse dans la carrière d'Aamir Khan qui va choisir méticuleusement le moindre de ses rôles au risque -mais selon son désir pour tout dire - de ne tourner que les films qu'il aime avec des scénario qu'il a envie de voir portés à l'écran et des réalisateurs pour qui il veut davantage qu'une simple rencontre. Il enchaîne les rôles à partir de 1991, à une rythme soutenu avant de débrayer à partir de 1995. Il est dans Jo Jeeta Wohi Sikandar toujours réalisé par Mansoor Khan qui n'est autre que son propre cousin. En 1995 il tourne Akele Hum Akele Tum que je me caser un de ces jours afin de le découvrir. Il s'agit d'un Kramer contre Kramer version hindi. Avec Manisha Koirala, inoubliable interprète féminine de Bombay et terroriste irraisonnée dans Dil Se. Elle avait aussi tourné dans l'insipide 1942 a Love Story, ratage total. Et bien sûr Aamir. C'est la troisième collaboration Mansoor/ Aamir. Il tourne en 1995 sous la direction d'Ashutosh Gowariker, pour la première fois dans Baazi. Ashutosh Gowariker, ancien de la télé, acteur de sitcom, qui pour l'anecdote rencontrera ShahRukh Khan alors étudiant qui fait ses armes dans un feuilleton et auquel il proposera presque vingt ans plus tard le rôle principal de Swades. Baazi bénéficie du savoir-faire du réal mais reste impersonnel. C'est du polar un peu trop carré, sans souffle et qui s'oublie assez vite, mais dans toute collection qui se respecte le film a sa place. Baazi marque surtout un tournant décisif dans la carrière du comédien, qui n'est plus une prometteuse révélation, mais bel et bien un acteur à part entière, qui va choisir encore plus méticuleusement ses rôles. Ca commence en 1996, après la parenthèse Rangeela, réalisé par Ram Gopal Varma ( Bhoot, Company, Shiva) avec Raja Hindustani, un de ses deux plus gros cartons à ce jour avec Fanaa, où il joue le rôle d'un mec simple qui tombe amoureux d'une femme que sa famille repousse. Le classique schéma du masala ici à la sauce 1996, donc ça beaucoup vieilli là encore une fois, mais c'est un film un peu spécial puisque c'est le premier film hindi que j'ai vu sur Canal + en 1999. La scène sous l'orage m'avait pas mal marquée. Pour un rôle pourtant pas exceptionel il gagne pourtant le filmfare award. Raja Hindustani est sauvé par la présence de Karisma Kapoor mais c'est très loin d'être un bon film, encore loin un grand. Tout cela est bien fade. Couronné de succès public et populaire, Raja Hindustani permet à l'acteur d'être incontournable. De pouvoir produire entre autres. Après Ishq et Gulaam en 1998, il tourne avec Deepa Mehta, le deuxième volet de la trilogie de la réalisatrice après Fire et avant Water intitulé Earth. Il a la chance de tourner avec l'immense Nandita Das et compose un des couples les fascinants du cinéma d'auteur de ces dernières années, tourmenté par les affres de la périodes post-1947, année de l'Indépendance dans un film à la photographie exceptionnelle et à la musique envoûtante.Le film compte aussi dans son casting l'excellent Rahul Khanna. La fin du film en aura traumatisée plus d'une et d'un. Le film entérine sa présence indispensable à Bollywood et plus largement dans tous les films indiens d'envergure. Pourtant loin de rechercher les rôles à tout prix, il ne choisit plus qu'un ou deux rôles par an. En 2001 alors que personne ne croyait plus en projet et qu'Ashutosh lui-même se demandait s'il n'allait pas laisser son film dans un tiroir, Aamir Khan se porte producteur d'une oeuvre qui partait sur de mauvaises bases et va s'avérer être l'un des plus grands films indiens de la décennie....Lagaan. Six lettres pour un chef-d'oeuvre. Un contexte, l'Inde colonialiste, un impôt (le lagaan éponyme), et un match de cricket. Il n'en faut pas plus à Ashutosh pour livrer 3h40 de spectacle, de réflexion et d'intelligence. Aamir y trouve le rôle le plus important jusqu'à présent de sa filmographie. Et devient une des personnalités les plus influentes de Bollywood, jusqu'à devenir la plus influente en 2006. Le film est nommé aux Oscar et donne un coup de vif à la carrière de Gracy Singh. La même année, à quelques mois d'intervalle, Aamir fait à nouveau frémir le Box office grâce au premier et remarquable premier film de Farhan Akhtar, qui signe un long-métrage plein de vie, Dil Chahta Hai avec des acteurs impliqués, autant du côté des hommes que des femmes, autour d'une histoire simple mais efficace d'amitié autour de la différence d'âge. . Depuis Farhan a mis en scène Lakshya en 2004 et son hommage à Don en 2006. Aamir ne s'arrête pas en si bon chemin mais attend le rôle qui lui permettra de montrer un nouveau visage et d'aller plus loin dans une piste explorée. Il choisit de revenir après cinq ans d'absence (comme Kajol et Karan Johar) avec The Rising, fresque énorme mais froide, un film d'époque à moitié raté qui manque singulièrement du souffle requis pour parler d'une telle aventure humaine et sociale. Aamir ne convainc guère dans le rôle de Mangal Pandey, pas plus que Rani. Seul l'acteur anglais stupéfait par la justesse de son jeu. Première semaine démentielle puis deuxième à fond de cale pour un final mitigé. 2006 marque le retour fracassant d'Aamir avec deux énormes cartons au BO. Le premier, Rang de Basanti, où il joue un rebelle au milieu de jeunes qui pour certains ont vingt ans de moins que lui. Le film, plus que discutable autant sur le fond que la forme m'a déçu voire agacé, mais remporte un triomphe monstre au niveau du public. Pareil pour Fanaa, d'une toute autre facture, qui permet aussi à Kajol de revenir en explosant la concurrence féminine au niveau de la popularité.


Merci Jordan pour ton portrait d’Aamir Khan, un des plus populaires acteurs du cinéma indien. Pour ma part, je l’ai découvert dans le magnifique Lagaan d’Ashutosh Gowariker, une superbe fresque, à très gros budget, avec quelques spectaculaires numéros musicaux (je pense au moment où tout le village se réjouit de voir la pluie arriver) et scènes de danse qui ont le mérite d’éviter le kitsch pro-occidental très en vogue à Bollywood. C’est à coup sûr un des plus beaux films du cinéma indien que je connaisse. J’ai également beaucoup aimé sa prestation dans dil chahta hai, une belle histoire d’amitié qui sonne juste, mêlant habilement fraternité, éclats de rire et problèmes plus graves. Fanaa, son dernier triomphe au box office, est à mon goût plus inégal, avec certaines outrances dans le récit, mais une superbe prestation de Kajol, à mes yeux, la plus lumineuse star du cinéma indien actuel. Ishq, toujours avec Kajol, comprend quelques scènes d’une grande drôlerie, même s’il ne fait pas dans la dentelle. Les spectateurs peu habitués aux comédies orientales risquent de rester perplexes devant l’interprétation outrancière de Khan dans certaines scènes comiques ! Evidemment, dans la carrière d’Aamir, il y a à prendre et à laisser : je pense au catastrophique Mann(1999), honteux remake d’Elle et lui , film sentimental hollywoodien qui vait connu deux mémorables versions dans les années 30 et 50 qui comprend notamment une reprise hindi de l’italiano de Toto Cutugno (déjà il faut aimer ce genre de variétoche), par Aamir Khan. C’est si ridicule qu’on se demande si ce n’est pas intentionnel. En tout état de cause, on ne peut que saluer la présence indéniable de cet acteur, qui depuis quelques années semble espacer ses apparitions et choisir ses films en étant beaucoup plus exigeant sur la qualité des scénarii. Pour la petite histoire, rajoutons qu’Aamir fait aussi parler de lui dans la presse du cœur, car il n’a jamais voulu reconnaître le fils né de sa liaison avec une jeune anglaise !

vendredi 17 avril 2009

Bill "Bojangles" Robinson, le roi des claquettes



Bill « Bojangles » Robinson, le légendaire danseur noir qui a inspiré tous les danseurs à claquettes conserve toujours une aura indéfectible aux USA. On continue à lui rendre hommage, plus de 50 ans après sa mort, avec des biographies, des chansons (notamment un tube de Sammy Davis Jr en 1972), une comédie musicale en 1993, un téléfilm plus récemment … Un juste hommage à un artiste exceptionnel, qui n’a pas eu l’opportunité de beaucoup se faire valoir à Hollywood à une époque où les acteurs noirs était condamnés à tenir de petits rôles de serviteurs abrutis.

Né en 1878 en Virginie, Bill Robinson n’a pas la chance d’aller à l’école (il apprendra à lire et écrire à plus de 40 ans) et doit dès son plus jeune âge travailler pour aider sa famille : tantôt cireur de chaussures, tantôt palefrenier. La danse était pour lui un amusement et un divertissement dans les réunions familiales, mais très vite elle devient un métier, plus lucratif que les autres. Il monte sur scène à 9 ans et participe à des spectacles destinés à un public noir (nous sommes en pleine période ségrégationniste). Son insouciance lui vaut le surnom de « Bojangles » qui l’accompagnera durant toute sa carrière. Au fil des années, sa réputation ne fait que croître et on le retrouve sur les scènes de Harlem : il est même engagé à l’occasion dans des spectacles destinés au public blanc. Il donne ses lettres de noblesse au « tap dance », les claquettes, un genre dont il est un des précurseurs, en privilégiant la légèreté. Il enchaîne les pas les plus compliqués sans jamais se départir d’un immense sourire, avec une aisance incroyable. Au Palace, queue de pie et chapeau haut de forme, il impressionne en créant sa fameuse danse sur un escalier qui fera un tabac. Inutile de dire qu’il sera beaucoup copié.

En 1928, à l’âge de 50 ans, il triomphe dans une revue, composée d’artistes noirs mais destinée à un public blanc. Ce qui ne l’empêche pas parallèlement de continuer à se produire à Harlem dans des spectacles pour un public noir. Une endurance incroyable motivée par de gros besoins d’argent, car il joue beaucoup aux courses et surtout est incroyablement généreux. On ne compte plus d’ailleurs les galas de charité auxquels il participe. Son civisme et soutien à de nombreuses associations caritatives, à la police de Harlem, et à des équipes de base-ball lui vaudront d’être nommé à titre honorifique « maire de Harlem ».
Après un petit rôle dans le musical Dixiana (1930) avec Bebe Daniels (le meilleur passage du film)(disponible aux States en DVD dans un pack de 50 films à un prix incroyablement bas), Bill Robinson se voit proposer un engagement à la Fox (avec à la clef le meilleur salaire qui ait jamais été offert à un comédien noir) qu’il accepte. Bien évidemment, il ne s’agit jamais de premiers rôles et il doit toujours jouer les majordomes ou serviteurs, « gentils » dans tous les sens du mot. Sa partenaire dans 4 films sera la gamine Shirley temple la reine du box office (apparemment, si on trouvait charmant de voir la petite gamine danser avec l’incarnation de l’oncle Bens il était hors de question dans cette Amérique raciste que Bill danse avec une adulte blanche).

Dans le petit colonel (1935), on retrouve la fameuse danse de l’escalier, avec la petite Shirley. C’est bien mignon, mais on peut comprendre que l’artiste ait été frustré. On raconte aussi qu’il était aigri en constatant qu’il lui avait fallu attendre d’avoir près de 60 ans pour devenir enfin riche et reconnu alors que de jeunes danseurs blancs bien moins doués n’avaient pas à faire de long apprentissage pour goûter la fortune et la gloire. Bill Robinson retourne alors sur scène. En 1943, à titre exceptionnel (effort de guerre oblige), la Fox réalise un film musical à la distribution 100% black : En dépit de ses 65 ans (mais c’est vrai qu’il ne les fait pas du tout !), Bill Robinson tient le rôle principal aux cotés de la belle Léna Horne, beaucoup plus jeune que lui.

Stormy Weather (1943) vaut surtout pour son incroyable distribution qui inclue les plus grands artistes blacks (Fats Waller, Katerine Dunham…), dans d’extraordinaires numéros. Si les Nicholas Brothers remportent la palme avec leurs incroyables grands écarts et acrobaties, Bill Robinson enchante encore avec sa désormais classique danse dans les escaliers. Il se permet également de battre un incroyable record de claquettes : en effet, dans la scène où il danse sur des tambours africains, il fait un total de 1984 pas en 4 minutes, soit 8 pas distincts par seconde ! (sans trucage !).
A sa mort en 1949, 500 000 personnes suivront le cortège du « maire de Harlem ». Alors que ses spectacles lui avaient permis de gager des sommes considérables, il est mort complètement ruiné. Dès qu’il avait quelque sou, il ne pouvait s’empêcher de les donner aux miséreux ou à des associations caritatives, ou de parier sur les hippodromes.


Malgré les années, la légende de Bill Robinson est toujours vivante aux States. En 1936, Fred Astaire avait déjà rendu un formidable hommage à Bill Robinson dans une séquence de swing time. La chanson de Sammy Davis Jr (qui décrivait plus un fan de Mr Bojangles que l’artiste lui-même) fut un des plus grands tubes du chanteur (1971). Le téléfilm tiré de sa vie a fait l’objet de critiques mitigées. Il semble qu’il s’attardait un peu trop sur les problèmes matrimoniaux de l’artiste (qui s’est marié plusieurs fois) et le grand danseur Gregory Hines, qui incarnait Bill, n’était pas au sommet de sa forme (il est décédé peu après). Depuis 1989, les États-Unis célèbrent le Tap Dance Day (Fête des claquettes) le 25 mai, jour anniversaire de la naissance de Bojangles. À cette occasion, Broadway est interdite aux automobiles et devient une immense piste de danse où chacun peut venir faire des claquettes. Sympa non ?

lundi 13 avril 2009

Maurice Chevalier, le chéri de ces dames





Canotier sur l’oreille, sourire goguenard, titi parisien par excellence, Maurice Chevalier fut pendant de très longues années l’une des plus grandes gloires du music hall français, ainsi qu’une star de cinéma de calibre international. Probablement l’un des seuls français avoir vraiment réussi à Hollywood. Et pourtant, 34 ans après son décès, force est de constater que son nom n’est plus guère évoqué et qu’il semble s’assoupir dans le souvenir des gens. (Je suppose que la plupart des moins de 30 ans ignorent son existence). Flash-back sur une carrière aussi longue qu’éclatante.

Né dans une famille très pauvre à Ménilmontant, le petit Maurice quitte l’école pour travailler quand son père, un alcoolique notoire déserte le foyer. Après avoir tenté de travailler comme acrobate dans un cirque, le jeune garçon chante dans les cabarets et se fait remarquer par sa gouaille, son culot inouï, et son aptitude à imiter les comiques de l’époque. Il s’inspire beaucoup des comiques troupiers et des rares artistes étrangers venus donner des galas à Paris (Little Tich). Une prestation réussie à l’Alcazar de Marseille, où le public était réputé pour son exigence, lui ouvre les portes de la gloire. Après avoir partagé la vie de patachon de la chanteuse Fréhel, qui abuse de la cocaïne, il s’éprend de la grande meneuse de revue, Mistinguett, qui va vite l’imposer à ses cotés sur la scène des Folies bergères. Ensemble, ils vont tourner toute une série de courts métrages (muets). Très vexé par les médisances qui prétendent qu’il ne doit sa carrière qu’à sa liaison avec la Miss, Chevalier se sépare de celle-ci en 1923.

La même année, il joue dans l’opérette Là Haut où il se fait complètement éclipser par le comique Dranem. Très atteint par ce camouflet, l’interprète de « dans la vie faut pas s’en faire » songe au suicide et sombre dans la dépression. Grâce à la chanson Valentine (elle avait de tous petits petons…), qu’il interprète avec sa gouaille faubourienne habituelle, il fait un sensationnel come-back au music hall à la fin des années 20. Le succès d’une revue qu’il joue à Londres attire l’attention de la Paramount, qui cherche de nouvelles gloires pour le cinéma parlant et musical, susceptibles de plaire à un public international. Engagé à Hollywood il triomphe en chantant « Louise » dans le médiocre Innocents de Paris (1929), en forçant son personnage de titi parisien débonnaire et débrouillard et dragueur, et surtout un accent parisien des plus accentués (qu’il soignera jusqu’à la fin de sa carrière, alors qu’il sait parfaitement parler l’anglais qu’il a appris pendant la guerre 14).

Le grand cinéaste Ernst Lubitsch lui offre le rôle d’un conte dans « Parade d’amour » (que Chevalier, très complexé par ses origines modestes faillit refuser), un autre triomphe. Les films musicaux que Chevalier va jouer, en double version le plus souvent, sous la direction de Lubitsch sont de loin les meilleurs que l’on faisait à l’époque, avec un coté coquin qui leur confère un charme particulier. Dans le genre, Aimez-moi ce soir de Mamoulian, est particulièrement réussi, car les passages musicaux s’intègrent parfaitement à l’intrigue.
On se souvient surtout de l’adaptation de l’opérette de Franz Lehar, la veuve joyeuse, où il campe avec aplomb le conte Danilo, « qui s’en va chez Maxim’s ». Ce film est un vrai régal. Contrarié par le succès croissant de sa partenaire à l’écran Jeanette Mac Donald, qui récolte dans la presse des critiques plus élogieuses que les siennes, Maurice Chevalier quitte Hollywood quand la soprano Grace Moore avec laquelle il doit jouer le soldat en chocolat, exige la tête d’affiche.

De retour en France, et armé d’un nouveau répertoire (composé entre autres par Mireille), il triomphe dans la revue « Parade de France » avec Elyane Célis.
Si les films qu’il tourne en France comportent des chansons qui seront d’immenses succès (ma pomme tirée de l’homme du jour), on est loin d’Ernst Lubitsch. Je me souviens en particulier d’Avec le sourire, un film joyeusement amoral (gratifié d’un NON ! par l’office catholique de télé7 jours lors d’une rediffusion dans mon enfance) ( – Au passage, vous souvenez- de ce fameux avis de l’office catholique que certains parents suivaient à la lettre pour déterminer si le film était pour adultes ou pour tous ?).
Pendant la guerre, Chevalier continue sa carrière dans Paris occupé, chante des airs qui marqueront cette époque troublée (ça sent si bon la France) et accepte de donner des galas dans les stalags allemands, pour obtenir la libération de quelques prisonniers (et aussi peut-être pour protéger sa compagne juive Nita Raya). On le lui reprochera vivement à la libération.

En 1947, il tient la vedette dans le doux amer « silence est d’or » de René Clair et joue le rôle d’un clochard dans « ma pomme » 1950 avec Sophie Desmarest, et parait en guest-star dans Schlagerparade (1953) avec Margot Hielscher.
Alors que sa carrière semble quasiment terminée (pendant de longues années, ses prises de position contre l’arme nucléaire l’empêcheront de revenir tenter sa chance aux USA), Maurice Chevalier effectue un incroyable come-back à la fin des années 50. Enfin autorisé aux USA, il triomphe dans Gigi (1958) de Minnelli. Son personnage de vieux beau, toujours séducteur et roublard, est devenu plus attachant avec les années. On se souvient notamment du nostalgique « I remember it well », chanté avec son accent parisien très imitable et travaillé.
Du coup, les années qui suivront Maurice va tenir à peu près le même personnage dans des comédies légères et sophistiquées comme I’d rather be rich (1964) avec Sandra Dee (remake d’Eve a commencé) ou les enfants du capitaine Grant de Walt Disney. Parallèlement, il fait un malheur sur les scènes new-yorkaises. En 1968, il fait ses adieux sur une scène parisienne pour ses « 80 berges », mais prendra encore le temps d’enregistrer le générique du dessin animé les aristochats et chanter en duo avec Mireille Mathieu. Dépressif, il semble qu’il n’ait pas soigné correctement ses problèmes de santé, et il est décédé en 1972.

Depuis, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on n’en parle plus, si ce n’est pour indiquer que sa maison natale à Ménilmontant, trop vétuste, va être démolie.
Maurice Chevalier, qui n’est ni techniquement un bon chanteur, et encore moins un bon danseur, a en fait eu la chance d’être là au bon moment et au bon endroit, et de donner au public exactement ce qu’il attendait de lui.
Son charme canaille et sa présence ont fait le reste. Personnellement, je le préfère nettement dans ses films américains, où son personnage de french lover débonnaire a davantage d’allure. Néanmoins, on sent souvent chez cet artiste un coté factice et opportuniste qui pour ma part explique le désintérêt que son nom évoque actuellement. Peut-être au lieu de jouer toujours le même personnage ce grand anxieux, qui vouait à sa maman une véritable vénération, aurait-il eu intérêt à laisser poindre parfois son vrai visage. Qu’en pensez vous ?
En tous les cas, récemment, alors que je faisais des courses au Virgin Megastore, un programmateur a eu l’idée géniale de diffuser, à plein volume son fameux « Prosper yop la boum ». Certains clients semblaient sous le charme.



Rex Gildo, une vie en trompe l'oeil



La variété allemande des années 60 et 70 est fortement marquée par ce qu’on appelle là-bas des schlagers (coups) : des chansons très populaires et faciles à retenir, puisant souvent leur source d’inspiration dans des rythmes du folklore étranger : des airs que l’on retient sans difficulté, mais dont le rythme trop basique et pompier est idéal pour faire tourner les manèges ou pour commémorer le premier mai, mais déroute un peu le public français.(un exemple récent : la chanson « Grieschicher Wein » composée et chantée par Udo Jürgens, devenue l’hymne de la coupe du monde du rugby). Rex Gildo fut un des plus célèbres interprètes de ce genre de variété ultra commerciale. Une trajectoire glorieuse, qui l’a conduit dans les studios de cinéma (plus de 30 films) et s’est terminée de façon tragique. Né en 1939, Alexander Gildo est issu d’une famille nombreuse. Le jeune homme prend des cours de théâtre avec Ada Tcheschowa, la fille de la célèbre actrice des années 30 Olga Tscheshowa. Sa beauté et l’aide efficace du producteur Fred Miekley (qui deviendra son compagnon) vont lui ouvrir grandes les portes du show business, dans tout ce qu’il a de business : l’industrie discographique était alors triomphante en Allemagne, pays où les achats de 45 tours par habitant étaient nettement plus élevés que dans le reste du monde. A son répertoire, Rex inscrit quelques adaptations de rocks ou slows des USA (comme Buona sera de Louis Prima ou devil in disguise d’Elvis) qu’il chante avec sa voix un peu éraillée mais pas désagréable.Au cinéma, il joue d’abord les seconds rôles dans les films de Conny Froboess (Teenager mélodie, Hoola hop Conny, Si mon grand frère savait ça), la teenager la plus aimée outre Rhin. S’il ne participe guère au déroulement des intrigues (ou semblants d’intrigue) des musicals de la délicieuse Conny, Rex montre de jolis talents de danseurs. Il ne faut pas chercher la moindre audace ou révolte chez Conny Froboess, Peter Kraus ou Rex Gildo, et c’est bien injustement qu’on a pu les comparer à l’époque à James Dean ou Elvis Presley. Ici, tout est familial, lisse et bon enfant. Mis à part que le rock et les slows ont remplacé partiellement le swing et la conga, ces films ne différent pas grandement des comédies pour ados avec Mickey Rooney et Judy Garland (en nettement moins boin d’un strict point de vue chorégraphique et musical).En 1961, Rex Gildo remporte d’excellentes critiques de la presse pour sa prestation, paraît-il surprenante, dans l’adaptation sur scène, en allemand de l’opérette My fair Lady. Ses 45 tours cartonnent, et il vient en faire la promo dans d’innombrables schlagers-films, où il apparaît en guest star avec beaucoup d’autres chanteurs (O sole mio, Marina). Dans Carina, O Rosina (1961), il est tête d’affiche aux cotés de Vivi Bach, la Bardot danoise : un monument d’inconsistance au bord de la plage, une version allemande des désastreux beach movies qui polluaient alors les écrans américains. Beaucoup de chansons, des jolies filles en bikini, de jolis paysages ensoleillés et pas grand-chose d’autre. Cela dit, Rex et la splendide Vivi forment un très joli couple, presque trop beau pour être vrai : avec leurs chevaux de soie, et leurs tenues colorées, on dirait des poupées mannequins !Lucky Boy (1962) n’est pas meilleur. L’un des numéros musicaux nous présente Rex dansant au milieu d’un pool de dactylos qui évoluent autour de leur table. Cela aurait pu donner quelque chose d’intéressant si un bon chorégraphe s’en était chargé. Ce qui est d’autant plus regrettable, que Rex Gildo semble avoir de belles prédispositions dans ce domaine.De la neige sous le soleil (1963) a l’avantage de bénéficier d’un scénario un peu plus original (un trafic de drogue à bord d’un paquebot) : C’est une comédie loufoque plutôt sympa où Rex danse un twist endiablé avec Margitta Scherr.En 1964, le producteur de Rex a l’idée de l’associer à l’espiègle chanteuse danoise Gitte (Haenning), qui vient de remporter le festival de Baden Baden, pour une série de duos. La romance montée de toutes pièces du couple idéal fait quelques temps les beaux jours de la presse people, au même titre que leurs disques culminent dans les hits parade. Cependant, le film qu’ils tournent ensemble « Bravo Bambina 1964» est fraîchement accueilli. Alors que les schlagerfilms commencent à quitter les écrans, Rex Gildo se tourne surtout vers les shows télévisés. Après la version allemande de Chitty Chitty bang bang, Rex triomphe en 1972 avec le bidochonesque « Fiesta Mexicana» : c’est le schlager par excellence : l’apothéose du kitsch, une chanson de troisième mi-temps qui ferait pâlir d’envie Patrick Sébastien.. (Remarquons, que la chanson toujours très connue en Allemagne a été récemment récupérée par un équipe de hockey sur glace américaine, qui en a fait son hymne).Quand on entend Rex fredonner avec beaucoup de talent l’air Orfeu Negro dans un show de Peter Kraus (1X8 in noten (1976), ressorti en DVD), on ne peut que constater que l’artiste n’était vraiment pas dénué de talent et qu’il est vraiment regrettable qu’il se soit galvaudé dans de la variété commerciale de plus en plus sirupeuse et nulle.(au moins Fiesta Mexicana avait l’avantage d’être festive). Une sorte d’Hervé Vilard en pire peut être. Sa version disco de Love is in the air, est carrément comique. Alors que son succès décroît et qu’il ne chante plus que dans les supermarchés et les foires villageoises, Rex, dont le visage a tendance à s’épaissir, est très contrarié par la vieillesse. L’artiste, dépressif, a beaucoup de peine à affronter les affres du temps qui passe et la tournure de sa carrière. En 1999, il se jette par la fenêtre (du troisième étage) et décède dans les jours qui suivent. On apprend alors que le chanteur n’avait pas supporté que son jeune amant, de 40 ans son cadet, le laisse tomber et du même coup son homosexualité qu’il avait soigneusement cachée pendant toute sa vie, en échafaudant même un mariage bidon avec une cousine pour faire taire les rumeurs. Apparemment, les préférences sexuelles de Rex Gildo ne cadraient pas du tout avec son image proprête de gendre idéal. Il sera enterré aux cotés de Fred Miekley, le grand amour de sa vie, décédé quelques années avant.