dimanche 17 mai 2009

Peter Alexander, le charme viennois



Très peu connu chez nous, Peter Alexander fut pourtant pendant deux décennies une très grande vedette de l’écran et du disque en Allemagne et en Autriche, puis un célèbre animateur à la télévision jusqu’à la fin du siècle dernier.
Chanteur d’opérette, fantaisiste hors pair, il n’avait pas son pareil pour mettre son public dans sa poche. Ses films, des petites comédies sans prétention ont parfaitement visé leur objectif en distrayant le public et en marquant cette époque bénie du « miracle économique ».

Né en 1926 à Vienne, Peter Alexander a débuté sa carrière de comédien sur les planches, peu après la guerre.
L’opérette était encore un genre très populaire en Autriche, et au fil des spectacles, le jeune homme, doté d’une belle voix à la fois ample et mélodieuse va progressivement atteindre la tête d’affiche et signer un contrat avec une grosse firme de disque, pour laquelle il enregistre des classiques de l’opérette comme « ce n’est que votre main, madame ». Ce n’est pourtant qu’au milieu des années 50 que Peter Alexander va gagner ses gagner ses galons de star en mettant à son répertoire de nombreux airs de variété à la mode dont « die süssesten früchte », adaptation allemande d’une ritournelle de Nilla Pizzi qu’il chante en duo avec Leila Negra, mignonne chanteuse black à la voix enfantine.

Dans ses premières apparitions à l’écran (une figuration dans l’ange à la trompette, un petit rôle dans le dernier film du rossignol viennois Elfie Mayerhofer, un boogie woogie endiablé avec Evelyn Künneke dans le remake de nous irons à Paris), le jeune homme semble hagard, guindé et pas du tout à son aise. Pourtant, le succès aidant, il va vite prendre beaucoup d’assurance et imposer une image de type sympathique et débonnaire, complètement décomplexé. En 1955, il tourne dans « Amour danse et 1000 surprises » aux cotés de Caterina Valente, la célèbre chanteuse internationale. Il s’agit d’un petit film en noir et blanc, au budget sans doute très limité, mais l’histoire amusante (une chanteuse se fait passer pour une gamine pour devenir célèbre), l’alchimie évidente du duo et les chansons très swing en feront un immense succès populaire. Néanmoins compte tenu des exigences salariales parait-il démesurées des 2 stars (managées chacune par leur conjoint respectif), on ne les reverra ensemble que dans un film Bonjour Kathryn (1956) de Paul Martin (en couleurs cette fois ci, avec les Nicholas brothers en guest stars) (inédit en vidéo, probablement pour des problèmes de droits).

Peter Alexander va alors enchaîner les disques (souvent des adaptations de succès du jour américains) et les films, avec un succès foudroyant. Geza Von Cziffra, le réalisateur de la plupart d’entre eux, possède un certain savoir faire dans le domaine du film musical, et ne manque pas d’idées pour présenter les numéros musicaux de façon originale. Hélas, il les filme souvent platement et de façon très statique. La chorégraphie semble souvent bien rudimentaire, mais Peter Alexander a vraiment le chic pour faire passer tout ça ! Dynamique en diable, sautillant, tout en grattant sa guitare, il fait preuve d’un enthousiasme communicatif. Et comme le souligne Von Cziffra dans sa bio, étant donné que les films fonctionnaient bien comme cela, on ne cherchait surtout pas à les améliorer !

Dans tous ses films, il incarne un séducteur facétieux et un peu idiot, pris malgré lui dans les pires mésaventures, mais parvenant toujours à faire face à toutes les situations. Ainsi dans « Ca barde »1956, il se retrouve en train de chanter un rock au beau milieu d’une piste de cirque, cerné par les lions alors que dans Salem Aleikum (1959), il transporte une bombe très dangereuse. Dans un très amusant passage de Munshausen en Afrique, il est contraint d’épouser la princesse d’une tribu afin d’éviter de finir dans une marmite (le film a apparemment été tourné au Kenya, et la scène de danse avec les autochtones, visiblement pliés de rire à l’idée de participer à une telle pitrerie est fort réjouissante).

Toujours dans un genre pas subtil du tout (et dont devaient se gausser les intellectuels), la folle débandade (1958) offre quelques moments délirants (notamment celui où tous les animaux de la ferme s’invitent à une party pour littéralement dévorer tous les mets du banquet, et faire les pires bêtises (ah, la scène où la vielle rombière défaille en découvrant qu’une vache dort dans son lit !). Dans le genre grosse farce, on ne saurait oublier le remake de La Marraine de Charley (193), dans lequel Peter se travestit en vieille dame très snob.
Evidemment, l’intrigue de ces comédies laisse largement la place aux chansons, et aux derniers tubes que Peter a enregistrés pour Polydor, seul ou en duo avec la jolie suédoise Bibi Johns. Peter case aussi de temps en temps quelques imitations d’Elvis Presley, Bill Haley ou du comédien autrichien Hans Moser (très réussi).
Cependant sur un plan musical, son moment le plus mémorable est celui où il chante un air jazzy tout en sautillant sur le toit de jolies voitures très fifties dans le film « Soucis de millionnaire ». J’ai un faible aussi sur la romance « Paris ist eine reise wert » qu’il fredonne à la très belle Vivi Bach dans les aventures du conte Bobby (1960). Son plus gros tube à l’époque sera pourtant version allemande du slow d’Elvis Presley « Are you lonesome tonight » qu’il interprète fort bien d’ailleurs.

Au début des années 60, Peter va se spécialiser dans les parodies d’opérettes célèbres (souvent mises en scène par Werner Jacobs), mises au goût du jour avec des arrangements swing et agrémentées de quelques twists. Ces versions de nuits de noces au paradis, l’auberge du cheval blanc, de la veuve joyeuse ou de saison à Salzbourg (certaines seront exploitées en France, avec chansons interprétées en français par Peter lui-même) sont tout de même bien décevantes et complètement anodines quand on les revoit aujourd’hui. Ajoutons, que sur un plan musical, les chansons sont souvent largement tronquées au profit de gags stupides. Des bruitages du style « pouet pouet poueeeeeeet…. » accompagnent les gags et les chutes des personnages. Dans ce genre bien particulier « la chauve souris 1962 » est probablement la seule vraie réussite (avec la pétulante Marika Rökk)

Alors que la comédie musicale connaît elle aussi un déclin certain (mais tardif) en Allemagne, Peter Alexander continue de tourner dans d’assez navrantes comédies chantées avec les nouvelles chanteuses à la mode : Conny Froboess (l’école des menteurs) et Gitte (au lit mesdemoiselles) ou la très sexy tchèque Olinka Berova. Tentant d’explorer de nouvelles pistes, il participe en 1965 à un film à sketch (la grande parade de l’amour) à la distribution prestigieuse (Anita Ekberg, Catherine Deneuve), mais que ne semble pas être du meilleur goût puis à une comédie érotique bien lourde (Go go playboy - 1968), assez éloignée des films très familiaux qu’il tournait jusqu’alors (dans une scène, Peter s’enfuit presque tout nu dans les rues de Rome, poursuivi par une horde de femmes).
En 1969, il tourne deux films avec Heintje, le jeune prodige hollandais à la voix d’or, qui connaîtra un succès phénoménal en Allemagne et au Benelux : il s’agit de deux films de potaches, style les sous-doués passent le bac, genre ultra populaire en Allemagne.

En 1972, quand Peter Alexander tourne son dernier film « Haupstache ferien », un film aussi fade qu’ennuyeux, cela fait déjà plusieurs années que sa carrière s’est tournée vers un autre média : la télévision.
Revenu au sommet des hit parade à la fin des années 60 avec notamment des adaptations de Tom Jones ou des airs écrits pour lui comme « Hier ist ein Mensch » (1970), Peter Alexander se voit confier l’animation régulière (deux fois par an) de shows télévisés qui vont battre tous les records d’audience.
Dans ces émissions de variétés, Peter chante en duo avec des vedettes internationales de la chanson (Liza Minnelli, Mireille Mathieu, Tom Jones, Karel Gott, Freddy Quinn, Johnny Cash), de l’opéra (Anna Moffo, Grace Burmbry, Montserrat Caballe, Anneliese Rottenberger) et se livre à des imitations et parodies particulièrement soignées (notamment à une surprenante charge sur la cour d’Angleterre dans laquelle il incarne tous les personnages de la reine mère à lady Di).

En 1976, Peter Alexander enregistre son plus grand succès « die kleine kneipe », (Une chanson d’origine néerlandaise traduite en français par Joe Dassin sous le titre le café des 3 colombes). Toujours bon pied bon œil, les cheveux argentés, encore fringant et dynamique à près de 70 ans, Peter Alexander va parvenir à pérenniser ses shows de Noël jusqu’en 1996 et occuper dans le paysage audio visuel allemand une place comparable à celle de Jacques Martin. Puis, dans un souci de rajeunissement et de renouvellement des programmes (et suite probablement à une chute des audiences), son show sera finalement supprimé, ce qui le fera sombrer dans une profonde dépression. La maladie puis le décès de son épouse (avec laquelle il était marié depuis près de 60 ans) vont profondément le fragiliser et le tenir complètement éloigné des feux de la rampe.

A l’occasion de son 80ème anniversaire et de la ressortie en DVD des meilleurs passages de ses shows, la ZDF a rendu hommage au chanteur. Il a finalement accepté d’être filmé pour saluer brièvement le public : l’image de ce très vieux monsieur ventru, semblant désespéré, les yeux mouillés de larmes, jouant au piano (avec beaucoup de talent) « as time goes by » était particulièrement émouvante. Très atteint par le décès accidentel de sa fille en 2009, Peter Alexander nous a quitté en février 2011 : Il restera en tous les cas dans le souvenir de nombreux téléspectateurs allemands et autrichiens.

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