vendredi 17 avril 2009

Bill "Bojangles" Robinson, le roi des claquettes



Bill « Bojangles » Robinson, le légendaire danseur noir qui a inspiré tous les danseurs à claquettes conserve toujours une aura indéfectible aux USA. On continue à lui rendre hommage, plus de 50 ans après sa mort, avec des biographies, des chansons (notamment un tube de Sammy Davis Jr en 1972), une comédie musicale en 1993, un téléfilm plus récemment … Un juste hommage à un artiste exceptionnel, qui n’a pas eu l’opportunité de beaucoup se faire valoir à Hollywood à une époque où les acteurs noirs était condamnés à tenir de petits rôles de serviteurs abrutis.

Né en 1878 en Virginie, Bill Robinson n’a pas la chance d’aller à l’école (il apprendra à lire et écrire à plus de 40 ans) et doit dès son plus jeune âge travailler pour aider sa famille : tantôt cireur de chaussures, tantôt palefrenier. La danse était pour lui un amusement et un divertissement dans les réunions familiales, mais très vite elle devient un métier, plus lucratif que les autres. Il monte sur scène à 9 ans et participe à des spectacles destinés à un public noir (nous sommes en pleine période ségrégationniste). Son insouciance lui vaut le surnom de « Bojangles » qui l’accompagnera durant toute sa carrière. Au fil des années, sa réputation ne fait que croître et on le retrouve sur les scènes de Harlem : il est même engagé à l’occasion dans des spectacles destinés au public blanc. Il donne ses lettres de noblesse au « tap dance », les claquettes, un genre dont il est un des précurseurs, en privilégiant la légèreté. Il enchaîne les pas les plus compliqués sans jamais se départir d’un immense sourire, avec une aisance incroyable. Au Palace, queue de pie et chapeau haut de forme, il impressionne en créant sa fameuse danse sur un escalier qui fera un tabac. Inutile de dire qu’il sera beaucoup copié.

En 1928, à l’âge de 50 ans, il triomphe dans une revue, composée d’artistes noirs mais destinée à un public blanc. Ce qui ne l’empêche pas parallèlement de continuer à se produire à Harlem dans des spectacles pour un public noir. Une endurance incroyable motivée par de gros besoins d’argent, car il joue beaucoup aux courses et surtout est incroyablement généreux. On ne compte plus d’ailleurs les galas de charité auxquels il participe. Son civisme et soutien à de nombreuses associations caritatives, à la police de Harlem, et à des équipes de base-ball lui vaudront d’être nommé à titre honorifique « maire de Harlem ».
Après un petit rôle dans le musical Dixiana (1930) avec Bebe Daniels (le meilleur passage du film)(disponible aux States en DVD dans un pack de 50 films à un prix incroyablement bas), Bill Robinson se voit proposer un engagement à la Fox (avec à la clef le meilleur salaire qui ait jamais été offert à un comédien noir) qu’il accepte. Bien évidemment, il ne s’agit jamais de premiers rôles et il doit toujours jouer les majordomes ou serviteurs, « gentils » dans tous les sens du mot. Sa partenaire dans 4 films sera la gamine Shirley temple la reine du box office (apparemment, si on trouvait charmant de voir la petite gamine danser avec l’incarnation de l’oncle Bens il était hors de question dans cette Amérique raciste que Bill danse avec une adulte blanche).

Dans le petit colonel (1935), on retrouve la fameuse danse de l’escalier, avec la petite Shirley. C’est bien mignon, mais on peut comprendre que l’artiste ait été frustré. On raconte aussi qu’il était aigri en constatant qu’il lui avait fallu attendre d’avoir près de 60 ans pour devenir enfin riche et reconnu alors que de jeunes danseurs blancs bien moins doués n’avaient pas à faire de long apprentissage pour goûter la fortune et la gloire. Bill Robinson retourne alors sur scène. En 1943, à titre exceptionnel (effort de guerre oblige), la Fox réalise un film musical à la distribution 100% black : En dépit de ses 65 ans (mais c’est vrai qu’il ne les fait pas du tout !), Bill Robinson tient le rôle principal aux cotés de la belle Léna Horne, beaucoup plus jeune que lui.

Stormy Weather (1943) vaut surtout pour son incroyable distribution qui inclue les plus grands artistes blacks (Fats Waller, Katerine Dunham…), dans d’extraordinaires numéros. Si les Nicholas Brothers remportent la palme avec leurs incroyables grands écarts et acrobaties, Bill Robinson enchante encore avec sa désormais classique danse dans les escaliers. Il se permet également de battre un incroyable record de claquettes : en effet, dans la scène où il danse sur des tambours africains, il fait un total de 1984 pas en 4 minutes, soit 8 pas distincts par seconde ! (sans trucage !).
A sa mort en 1949, 500 000 personnes suivront le cortège du « maire de Harlem ». Alors que ses spectacles lui avaient permis de gager des sommes considérables, il est mort complètement ruiné. Dès qu’il avait quelque sou, il ne pouvait s’empêcher de les donner aux miséreux ou à des associations caritatives, ou de parier sur les hippodromes.


Malgré les années, la légende de Bill Robinson est toujours vivante aux States. En 1936, Fred Astaire avait déjà rendu un formidable hommage à Bill Robinson dans une séquence de swing time. La chanson de Sammy Davis Jr (qui décrivait plus un fan de Mr Bojangles que l’artiste lui-même) fut un des plus grands tubes du chanteur (1971). Le téléfilm tiré de sa vie a fait l’objet de critiques mitigées. Il semble qu’il s’attardait un peu trop sur les problèmes matrimoniaux de l’artiste (qui s’est marié plusieurs fois) et le grand danseur Gregory Hines, qui incarnait Bill, n’était pas au sommet de sa forme (il est décédé peu après). Depuis 1989, les États-Unis célèbrent le Tap Dance Day (Fête des claquettes) le 25 mai, jour anniversaire de la naissance de Bojangles. À cette occasion, Broadway est interdite aux automobiles et devient une immense piste de danse où chacun peut venir faire des claquettes. Sympa non ?

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