vendredi 30 décembre 2011

Bobby Van, bondissant et malicieux




Bondissant comme un ressort, jovial et alerte, le jeune Bobby Van avait tout le talent et l’énergie nécessaire pour apporter la dose d’optimisme et d’allégresse aux somptueuses comédies musicales de la MGM : hélas, il est entré au piste au moment où le genre devait moins rentable, et sa carrière s’est surtout déroulée à la télévision et sur scène. Gageons que tous les spectateurs qui se sont régalés de l’anthologie « That’s entertainment » n’ont pas oublié son sautillant numéro tiré du film le joyeux prisonnier !

Né à New York dans le Bronx en 1928, Bobby Van est un enfant de la balle qui a passé toute son enfance à suivre ses parents en tournée, dans de nombreux petits théâtres, tout en suivant des cours à l’école des arts du spectacle. Après avoir adopté son pseudonyme en s’inspirant de « Van » Johnson, chouchou des midinettes des années 40 et acteur préféré de sa sœur, Bobby se produit en tant que trompettiste dans une petite formation. Lors d’un spectacle, Bobby saisit sa chance en remplaçant un artiste indisposé et se livre à des imitations et à un numéro de danse qui remportent un succès inattendu…qui va décider du reste de sa carrière. Différentes prestations dans des night clubs new-yorkais et à la télévision vont progressivement le faire connaître. En 1950, il décroche un rôle dans un musical à Broadway, bénéficiant d’une chorégraphie innovante de Jack Cole, « alive and kicking » aux cotés de la future star Gwen Verdon : les critiques applaudissent de la légèreté de son style et la perfection de ses numéros dansés qu’il s’agisse de morceaux de tap dance élaborés ou de soft shoe.

En 1952, il épouse Diane Garrett, une petite actrice qui n’a jamais réussi à décrocher autre chose que des emplois de figurantes dans des comédies musicales de la Paramount ou de la MGM (on l’entr’aperçoit notamment dans Chantons sous la pluie).

La même année, Bobby Van est embauché à la MGM : une chance inestimable car le studio est à l’époque le meilleur spécialiste de la comédie musicale : il danse avec Debbie Reynolds dans un passage de Jupons à l’horizon, dont la vedette est la populaire nageuse Esther Williams et joue un soldat dans Tu es à moi avec le fameux ténor Mario Lanza.

Mais le joyeux prisonnier, une délicieuse et pimpante comédie musicale, aux numéros menés de main de maître par Busby Berkeley qui le révèle surtout au grand public. Un personnage cocasse et rêveur, qui effectue une incroyable danse composée de sauts à pieds joints dans les rues de la petite ville : le numéro d’une jovialité enthousiasmante personnifie à lui seul toute la magie et la perfection du musical hollywoodien des années 50. Certains spécialistes y ont vu une des premières manifestations du pogo, danse popularisée par les Sex Pistols dans les années 70 !

Autre grand moment, autre grand film : l’adaptation d’Embrasse-moi chérie (1953), fameuse opérette de Cole Porter où Bobby Van compose avec Tommy Rall et Bob Fosse un trio à l’enthousiasme et au dynamisme contagieux.

En 1953, on lui offre enfin la vedette de Casanova junior aux cotés de la craquante petite Debbie Reynolds, auréolée par son succès de Chantons sous la pluie : certes il s’agit un petit musical en noir et blanc, au budget fort modeste, destiné à être présenté en complément de programme. Bondissant et enchaînant les grimaces et facéties, tel un héritier du fameux Ray Bolger, Bobby Van est brillant. Il éclipse ses collègues (dont le fameux Bob Fosse) et démontre dans ce petit film léger toutes l’étendue de ses capacités. Hélas, la MGM ne semble pas avoir suffisamment consciente de son talent. Avec la concurrence de la télévision, la firme du lion pratiquant une politique à courte vue, préfèrera ne pas renouveler le contrat de la plupart de ses chanteurs et danseurs qui se retrouveront tous sur la touche.

Aussi, Bobby Van acceptera avec joie la tête d’affiche d’une reprise de l’opérette de Rodgers et Hart « On your toes » chorégraphiée par Balanchine, aux côtés de la danseuse Vera Zorina, en reprenant un personnage jadis créé par Ray Bolger, justement.

Hélas, cette reprise ne sera pas un grand succès, malgré les très bonnes critiques personnelles récoltées par Ray.

Par la suite, on a beaucoup vu Bobby à la télévision, notamment dans la série de Mickey Rooney. Puis en tant qu’animateur de jeux télévisés avec sa nouvelle épouse, la belle Helen Joyce, connue pour ses prestations dans d’innombrables feuilletons télé comme les feux de l’amour.



En 1970, Bobby Van tente à nouveau sa chance à Broadway dans une reprise de l’opérette No no Nanette, avec une ancienne gloire d’Hollywood Ruby Keeler . Contre toute attente, le spectacle va obtenir un succès fou et remettre au goût du jour un genre boudé pendant trop d’années. Un succès mérité aussi inattendu que retentissant va relancer sa carrière au cinéma : alors que depuis des années, les comédies musicales sont devenues une denrée des plus rares à l’époque, surtout quand il s’agit de spectacles originaux et non de reprises de spectacles ayant fait leurs preuves à Broadway, Bobby Van est engagé pour un des rôles principaux du nouveau musical dont tout le monde parle : un remake des Horizons perdus , avec une distribution prestigieuse dont Liv Ullman, Peter Finch et Michael York, qui semblent tous un peu paumés et une musique d’un Burt Bacharach en panne d’inspiration : un film qui a bénéficié d’une presse exécrable et que d’aucuns continuent de ridiculiser sans jamais l’avoir vu : sans être un chef d’œuvre, et malgré ses innombrables faiblesses (et notamment une réalisation déficiente), le film n’est pas si désagréable, avouons- le. Bobby Van, le seul comédien sachant vraiment chanter et danser dans la production, livre quelques numéros charmants comme « question me an answer » , qui fait beaucoup songer au « do ré mi » de la mélodie du bonheur, avec infiniment de charme et de décontraction. Evidemment, il est peut être dommage qu’on ne laisse pas plus de latitudes à un danseur aussi doué ! Le bide gigantesque du film ne va malheureusement pas aider la carrière de Bobby.
Et ce n’est pas Doomsday Machine (1976) qui va l’aider : il s’agit d’un film de science-fiction d’une rare indigence aux effets spéciaux particulièrement ratés, qui n’amusera que les amateurs de second degré. Il semble qu’un sérieux manque de crédits aient obligé les producteurs à escamoter une bonne partie de la fin du film !
Atteint d’une tumeur au cerveau, Bobby Van nous quitte en 1980 : un vrai talent qu’on pourrait admirer lors de ses assez rares mais percutantes prestations cinématographiques.

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