lundi 13 avril 2009

Maurice Chevalier, le chéri de ces dames





Canotier sur l’oreille, sourire goguenard, titi parisien par excellence, Maurice Chevalier fut pendant de très longues années l’une des plus grandes gloires du music hall français, ainsi qu’une star de cinéma de calibre international. Probablement l’un des seuls français avoir vraiment réussi à Hollywood. Et pourtant, 34 ans après son décès, force est de constater que son nom n’est plus guère évoqué et qu’il semble s’assoupir dans le souvenir des gens. (Je suppose que la plupart des moins de 30 ans ignorent son existence). Flash-back sur une carrière aussi longue qu’éclatante.

Né dans une famille très pauvre à Ménilmontant, le petit Maurice quitte l’école pour travailler quand son père, un alcoolique notoire déserte le foyer. Après avoir tenté de travailler comme acrobate dans un cirque, le jeune garçon chante dans les cabarets et se fait remarquer par sa gouaille, son culot inouï, et son aptitude à imiter les comiques de l’époque. Il s’inspire beaucoup des comiques troupiers et des rares artistes étrangers venus donner des galas à Paris (Little Tich). Une prestation réussie à l’Alcazar de Marseille, où le public était réputé pour son exigence, lui ouvre les portes de la gloire. Après avoir partagé la vie de patachon de la chanteuse Fréhel, qui abuse de la cocaïne, il s’éprend de la grande meneuse de revue, Mistinguett, qui va vite l’imposer à ses cotés sur la scène des Folies bergères. Ensemble, ils vont tourner toute une série de courts métrages (muets). Très vexé par les médisances qui prétendent qu’il ne doit sa carrière qu’à sa liaison avec la Miss, Chevalier se sépare de celle-ci en 1923.

La même année, il joue dans l’opérette Là Haut où il se fait complètement éclipser par le comique Dranem. Très atteint par ce camouflet, l’interprète de « dans la vie faut pas s’en faire » songe au suicide et sombre dans la dépression. Grâce à la chanson Valentine (elle avait de tous petits petons…), qu’il interprète avec sa gouaille faubourienne habituelle, il fait un sensationnel come-back au music hall à la fin des années 20. Le succès d’une revue qu’il joue à Londres attire l’attention de la Paramount, qui cherche de nouvelles gloires pour le cinéma parlant et musical, susceptibles de plaire à un public international. Engagé à Hollywood il triomphe en chantant « Louise » dans le médiocre Innocents de Paris (1929), en forçant son personnage de titi parisien débonnaire et débrouillard et dragueur, et surtout un accent parisien des plus accentués (qu’il soignera jusqu’à la fin de sa carrière, alors qu’il sait parfaitement parler l’anglais qu’il a appris pendant la guerre 14).

Le grand cinéaste Ernst Lubitsch lui offre le rôle d’un conte dans « Parade d’amour » (que Chevalier, très complexé par ses origines modestes faillit refuser), un autre triomphe. Les films musicaux que Chevalier va jouer, en double version le plus souvent, sous la direction de Lubitsch sont de loin les meilleurs que l’on faisait à l’époque, avec un coté coquin qui leur confère un charme particulier. Dans le genre, Aimez-moi ce soir de Mamoulian, est particulièrement réussi, car les passages musicaux s’intègrent parfaitement à l’intrigue.
On se souvient surtout de l’adaptation de l’opérette de Franz Lehar, la veuve joyeuse, où il campe avec aplomb le conte Danilo, « qui s’en va chez Maxim’s ». Ce film est un vrai régal. Contrarié par le succès croissant de sa partenaire à l’écran Jeanette Mac Donald, qui récolte dans la presse des critiques plus élogieuses que les siennes, Maurice Chevalier quitte Hollywood quand la soprano Grace Moore avec laquelle il doit jouer le soldat en chocolat, exige la tête d’affiche.

De retour en France, et armé d’un nouveau répertoire (composé entre autres par Mireille), il triomphe dans la revue « Parade de France » avec Elyane Célis.
Si les films qu’il tourne en France comportent des chansons qui seront d’immenses succès (ma pomme tirée de l’homme du jour), on est loin d’Ernst Lubitsch. Je me souviens en particulier d’Avec le sourire, un film joyeusement amoral (gratifié d’un NON ! par l’office catholique de télé7 jours lors d’une rediffusion dans mon enfance) ( – Au passage, vous souvenez- de ce fameux avis de l’office catholique que certains parents suivaient à la lettre pour déterminer si le film était pour adultes ou pour tous ?).
Pendant la guerre, Chevalier continue sa carrière dans Paris occupé, chante des airs qui marqueront cette époque troublée (ça sent si bon la France) et accepte de donner des galas dans les stalags allemands, pour obtenir la libération de quelques prisonniers (et aussi peut-être pour protéger sa compagne juive Nita Raya). On le lui reprochera vivement à la libération.

En 1947, il tient la vedette dans le doux amer « silence est d’or » de René Clair et joue le rôle d’un clochard dans « ma pomme » 1950 avec Sophie Desmarest, et parait en guest-star dans Schlagerparade (1953) avec Margot Hielscher.
Alors que sa carrière semble quasiment terminée (pendant de longues années, ses prises de position contre l’arme nucléaire l’empêcheront de revenir tenter sa chance aux USA), Maurice Chevalier effectue un incroyable come-back à la fin des années 50. Enfin autorisé aux USA, il triomphe dans Gigi (1958) de Minnelli. Son personnage de vieux beau, toujours séducteur et roublard, est devenu plus attachant avec les années. On se souvient notamment du nostalgique « I remember it well », chanté avec son accent parisien très imitable et travaillé.
Du coup, les années qui suivront Maurice va tenir à peu près le même personnage dans des comédies légères et sophistiquées comme I’d rather be rich (1964) avec Sandra Dee (remake d’Eve a commencé) ou les enfants du capitaine Grant de Walt Disney. Parallèlement, il fait un malheur sur les scènes new-yorkaises. En 1968, il fait ses adieux sur une scène parisienne pour ses « 80 berges », mais prendra encore le temps d’enregistrer le générique du dessin animé les aristochats et chanter en duo avec Mireille Mathieu. Dépressif, il semble qu’il n’ait pas soigné correctement ses problèmes de santé, et il est décédé en 1972.

Depuis, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on n’en parle plus, si ce n’est pour indiquer que sa maison natale à Ménilmontant, trop vétuste, va être démolie.
Maurice Chevalier, qui n’est ni techniquement un bon chanteur, et encore moins un bon danseur, a en fait eu la chance d’être là au bon moment et au bon endroit, et de donner au public exactement ce qu’il attendait de lui.
Son charme canaille et sa présence ont fait le reste. Personnellement, je le préfère nettement dans ses films américains, où son personnage de french lover débonnaire a davantage d’allure. Néanmoins, on sent souvent chez cet artiste un coté factice et opportuniste qui pour ma part explique le désintérêt que son nom évoque actuellement. Peut-être au lieu de jouer toujours le même personnage ce grand anxieux, qui vouait à sa maman une véritable vénération, aurait-il eu intérêt à laisser poindre parfois son vrai visage. Qu’en pensez vous ?
En tous les cas, récemment, alors que je faisais des courses au Virgin Megastore, un programmateur a eu l’idée géniale de diffuser, à plein volume son fameux « Prosper yop la boum ». Certains clients semblaient sous le charme.



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