jeudi 28 mai 2009

Johannes Heesters, le plus vieil acteur du monde







Le plus vieux comédien toujours en activité, Johannes Heesters a plus de105 ans : une bonne occasion pour dresser le portrait de cet acteur hollandais, la vedette principale des opérettes filmées allemandes de l’époque nazie. Coup de projecteur sur la longue carrière du roi de l’opérette avec son faste et ses zones d’ombre.

Né le 3 décembre 1903, Johannes Heesters débute sur les scènes hollandaises et belges dans des pièces de théâtre et des opérettes. Après une prestation très remarquée à Vienne en 1935, il est engagé par le studio allemand de la UFA, qui cherche désespérément de nouvelles stars pour remplacer les nombreux talents qui ont préféré l’exil au national socialisme (le producteur Erik Charell, les chanteurs d’opérette, souvent d’origine juive, Richard Tauber, Gitta Alpar, Jarmila Novotna…
Johannes Heesters (qui a déjà tourné quelques films dans son pays natal) devient une vedette de cinéma grâce à l’adaptation filmée de l’opérette l’étudiant pauvre (1936). Un bon film, bien mis en scène par Georg Jacoby, avec Marika Rökk qui révèle au public sa voix de ténor un peu nasillarde, et son charme débonnaire. Gasparone (1937), autre opérette filmée est également un film très bien ficelé et bien rythmé, qui a plutôt bien vieilli (le talent de metteur en scène de Jacoby y est pour beaucoup).
En 1938, Johannes Heesters retourne à Amsterdam donner une série de représentations de l’opérette « la comtesse Maritza » avec une troupe de comédiens juifs.
Goebbels, ministre chargé de la propagande, prendra cet épisode fort mal et menacera Heesters, mais néanmoins, grâce à Hitler, qui l’adore (il considérait Heesters comme le meilleur interprète du comte Danilo dans la Veuve joyeuse), le comédien va pouvoir continuer sa carrière à la UFA.
Les films qu’il tourne à la pelle seront de gros succès commerciaux, le public allemand ayant plus que jamais besoin de s’évader du quotidien. Hallo Janine (1940) encore avec la danseuse acrobatique Marika Rökk, aura également du succès en France et dans les pays occupés.
Je t’aimerai toujours (1941) est un musical bien terne. Néanmoins, la chanson « klavier spielen » restera associée à Heesters. Carnaval d’amour (1943), avec Dora Komar, vaut surtout pour ses passages musicaux, plutôt rythmés, et inspirés des films hollywoodiens et de bonnes chansons. A la fin de la guerre, il était devenu trop dangereux de poursuivre les tournages à Berlin, et les derniers films tournés sous le troisième Reich seront réalisés à Prague.

D’après les propos rapportés par Margot Hielscher, les comédiens savaient bien que l’Allemagne allait perdre la guerre et que les films en cours ne seraient peut être pas bouclés, mais continuaient les tournages, en vivant au jour le jour, et en dépensant avec frénésie leur argent dans les cafés et les magasins. La chauve souris (1945) luxueuse adaptation de la célèbre opérette de Strauss (en Agfacolor et avec un faste qui jure avec la misère qui régnait à l’époque) sera tout juste achevée avant l’arrivée des alliés, et exploitée en 1948 en tant que film « autrichien ». C’est un très bon film de Von Cziffra (remasterisé en DVD), qui recevra de très bonnes critiques y compris en France.
Après la guerre, si Johannes Heesters va rapidement reprendre ses activités en Allemagne et en Autriche (il ne sera pas frappé d’une longue interdiction compte tenu de l’absence de propagande dans ses films), il passera pour un traître dans son pays natal, où personne n’ignorait qu’il avait rencontré plusieurs fois Hitler et où la rumeur courrait qu’il avait même donné un concert à Dachau en 1941 pour les SS de ce camp de concentration. Rumeur qui sera confirmée par des photos qui seront retrouvées en 1978, dans une cave de Munich (cf. Liebe Tanz und 1000 schlager de Manfred Hobsch page 51). Voila qui entache de façon certaine une carrière. Alors pourquoi Johannes Heesters, qui a toujours refusé la nationalité allemande et qui se déclarait apolitique s’est il fourvoyé avec les nazis ? Pour distraire le public allemand qui l’adorait et qui en avait tant besoin, comme il l’a prétendu ? Ou tout simplement par égoïsme et cupidité (l’argent n’a pas d’odeur) …

Après guerre, on retrouve Heesters dans de nombreuses opérettes filmées avec Elfie Mayerhofer, le rossignol viennois, Claude Farell ou surtout Marika Rökk (Princesse Czardas 1951). Un genre qui tend à se moderniser et petit à petit à virer vers la parodie, avec des anachronismes et des versions « swinguées » des vieux airs d’autrefois. En piste Marika (1958), encore avec Marika Rökk, lorgne vraiment du coté d’Hollywood (ballets modernes, rock’n roll). Il aura l’occasion de tourner là-bas dans la version allemande (et ô combien théâtrale) de La lune était bleue d’Otto Preminger (1953)
En 1961, Johannes Heesters joue aux cotés de la chanteuse yéyé Conny Froboess dans Midi Midinette, puis va désormais se tourner essentiellement vers la scène (adaptation allemande de Kiss me Kate ) et la télévision.
Les cheveux blancs et les rides lui vont bien et lui confèrent un charme supplémentaire : curieusement, il semble plus avenant à 70 ans qu’à 30. Plus les années passent, plus il est convié en guest-star en tant que phénomène, survivant d’une époque révolue. Toujours en smoking et chapeau claque, il entonne « I’m glad I’m not young anymore » de Gigi dans les shows de Peter Alexander.

En 1992, après le décès de son épouse (une actrice belge), il se remarie avec une femme qui a…50 ans de moins que lui (Ca arrive assez souvent dans le show business : Fred Astaire…). Toujours bon pied bon œil, sieur Heesters continue de jouer sur les planches (ce qui lui vaudra de figurer dans le Guiness des records comme plus vieil acteur encore en activité). Chaque année, il est encore invité à la télé, surtout au moment de son anniversaire, avec beaucoup de respect. Le vieil homme de 105 ans a désormais une allure de Jiminy Crickett avec ses petits yeux malicieux et son costume blanc et sa cane, quand il chante en play-back à la télé. Désormais presqu'aveugle, il souhaite encore vivre une dizaine d’années et a donné l'an dernier un show dans son pays natal où il ne s'était pas produit depuis des décennies. Cet événement a créé bien des remous en Hollande, beaucoup de es compatriotes étant outrés que le chanteur favori d'Hitler puisse ainsi continuer à chanter. L'acteur, peut être sénile, n'a pas craint d'agraver son cas en déclarant lors d'une interview qu'Hitler était très gentil. Curieux personnage qui vient de tirer sa révérence à l'âge vénérable de 108 ans, à la veille de Noël.

dimanche 24 mai 2009

Amitabh Bachchan, l'empereur de Bollywood






Portrait réalisé par Jordan White et reproduit ici avec son amicale autorisation

Au sommet depuis 1975 et Sholay, Amitabh Bachchan n'a jamais décroché depuis et reste aujourd'hui la personnalité la plus admirée du cinéma indien. Au Nord, il y a Amitabh, du haut (1m95) de ses 65 ans cette année, au Sud Rajnikanth et ses cent quarante films.

Né le 11 Octobre 1942 à Allahabad, Amitabh est le fils d'un poète célèbre Harivansh Rai Bachchan. Nommé Srivastava, il est s'est fait connaître sous le nom de Bachchan. Aujourd'hui, par respect, ses pairs le surnomment "Big B".
Sa mère Teji est originaire du Punjab, région connue pour sa population sikh qui porte ces énormes turbans sur la tête.

Amitabh obtient un diplôme en Arts puis en Sciences. Il s'essaie dans le même temps vers l'âge de vingt ans au théâtre, puis devient animateur de radio. Mais c'est le cinéma qui l'attire. Il tient un rôle en 1969 dans Saat Hindustani. Il a alors (il le garde encore aujourd'hui) pour modèle Dilip Kumar, immense acteur populaire qui s'est illustré dans Andaz en 1949.
Mais c'est son rôle dans Deewar en 1975 qui l'impose comme le jeune "angry young man", l'homme en colère. Yash Chopra alors producteur très en vogue et qui le restera pendant les trente ans à venir en produisant la plupart des succès populaires, voit en lui la nouvelle superstar. Tout arrive à point nommé pour Amitabh qui rencontre le public, et sa femme, Jaya Badhuri de naissance qui deviendra Mme Bachchan, un couple soudé dont l'union dure encore de nos jours.
De celle-ci naîtront deux enfants, dont Lil B aka Abhishek Bachchan, acteur de premier plan actuellement et Shweta, beaucoup plus discrète dont il existe quelque clichés mais qui n'a jamais été mise en avant contrairement à ses parents et à son frère.

1975 ou l'année de Sholay, le western spaghetti revu et corrigé par Bollywood qui fait d'Amitabh la star de l'époque au même titre que Shah Rukh ou Hrithik Roshan de nos jours. Sholay reste le plus gros succès populaire du ciné hindi avec plus de 200 millions de spectateurs, des chansons connues sur le bout des doigts, les refrains des chansons repris par coeur. Plus qu'un phénomène, une pierre angulaire du ciné hindi dont l'héritage se poursuit sans faiblir, le remake de Ram Gopal Varma devant sortir en Août, remake dans lequel Amitabh devrait interpréter le méchant de l'histoire (!).

Amitabh enchaîne avec frénésie les rôles dans les années 70, il est en effet partout, dans le mémorable Kabhi Kabhie où il chante le fameux Dil Rehte Mein, chanson qui ouvre le film, et poème écrit par Pamela Chopra qui signe le script aux côté de son mari Yash, et devient un fulgurant succès critique et artistique comme dans Hera Pheri. Notons à ce titre que la plupart de ses titres de Deewar à Silsilay ont fait l'objet de remake pendant les années 90 et 2000.

En 1981, il tourne dans Silsila qui fait scandale par rapport à son thème de l'adultère, alors inédit en Inde. A l'époque il conseille lui même Rekha pour ce film tou en ayant vécu une histoire avec elle à l'ombre des caméras et Jaya ! La réputation de mari fidèle s'effrite un peu, et Jaya supporte mal cette situation. A la fin du tournage, le couple s'explique et Rekha ne tournera plus avec lui.

En 1982 il échappe de peu à la mort suite à un grave accident sur le tournage de Coolie. Un documentaire sur l'acteur montre qu'à l'époque, les fans epleurés par les fausses rumeurs de sa mort se précipitaient devant l'hopîtal où il était opéré pour y déposer des milliers de gerbes de fleurs. Involontairement, Amitabh était entré dans le coeur de millions de spectateurs. Il entre un an plus tard à l'Assemblée où il devient homme politique. Il devient député d'Allahabad son fief natal, mais l'expérience le déçoit très vite, et ce malgré l'appui de Rajiv Gandhi, ami de longue date de la famille. Imaginez un Gérard Depardieu qui aurait été Ministre de la Culture par exemple mais aurait été impliqué dans une affaire au point d'être contraint de démissionner. Amitabh a été rattaché à l'affaire Bofors (vente d'armes).

Cette parenthèse politique infructueuse l'éloigne du grand écran. Il apparaît dans des rôles spéciaux, fait la voix-off, mais aucun rôle de premier plan jusqu'à 2000 et Mohabbatein d'Aditya Chopra qui a signé en 1995 Dilwale Dulhania le Jayenge. Il y joue un homme de poigne, intransigeant qui se fait supplanter dans le coeur des élèves par le jeune rebelle Shah Rukh Khan et ils nous refont le remake de 3H40 du Cercle des poètes disparus.

Il obtient grâce à son ami Karan Johar le rôle du patriarche intraitable dans La Famille Indienne, succès monstre, où il joue le rôle du père de Shah Rukh amoureux de Kajol. 3H30 de spectacle, avec moults chorégraphies, où il va jusqu'à chanter lui-même, d'ailleurs un des rares acteurs ayant chanté sur les chansons au lieu de se faire doubler, enfin pour certains films. Danseur très moyen de son propre aveu, cela ne l'empêche pas de se bouger sur Say Shava Shava.

Personnalité la plus admirée en Inde, il apparaît régulièrement dans le top 3 des gens les plus influents artistiquement et économiquement, juste derrière les grands industriels du pays. Son nom, associé à une légende toujours aussi vive lui permet de tourner en produisant sur son nom sans la moindre difficulté. Il devient Chevalier de la Légion d'Honneur.
Il tourne autant pour Ram Gopal Varma que pour son ami de toujours Yash Chopra qui le prend pour incarner un villageois dans Veer-Zaara, un de ses plus beaux seconds rôles, avec lequel il a l'intelligence de s'effacer derrière Shah Rukh. Mais la vraie vedette, si c'était lui au fond, et ce partout où il apparaisse, que ce soit lors des remises des récompenses ou lors de sa venue en France lors de la rétrospective Pompidou en 2004 ?



Il renverse même la vapeur et les attentes en 2005 en signant pour Black, où il incarne un professeur à bout de force qui se remet en question au contact d'une jeune aveugle interprétée par Rani Mukerjee. Son rôle lui vaut l'admiration unanime de la presse et du public.


A 65 ans, Mr Amitabh Bachchan, idole de toutes les générations, problablement l'un des trois noms les plus connus aujourd'hui en Inde continue de tourner, dans Jhoom Barabar Jhoom, stature impressionnante, classe intégrale, voix rauque unique, avec toujours l'étincelle enfantine dans les yeux, de celle qui fait les plus grands acteurs. Une légende vivante, un Dieu pour des millions de fans. Mais avant tout un humain, discret, plus effacé qu'on ne le croirait quand il le faut, porteur surtout d'une culture immense.

MON AVIS :

Si Alain Delon (ou du moins sa marionnette)se vante d’être un demi-dieu au Japon, Amitabh pourrait également se glorifier d’avoir le même statut en Inde mais aussi dans de nombreux pays d’Afrique et du moyen orient . Lors d’une interview, Gad Elmaleh a rappelé que dans sa jeunesse au Maroc, il allait souvent voir ses films dont le succès était gigantesque. Dans un magasin de vidéo à Paris, une cliente africaine expliquait au vendeur que dans son pays Amitabh avait un surnom (je ne me souviens plus lequel, il me semble que c’était Babou) et qu’il était archi populaire. En tous les cas, sa présence est indéniable et tous les amateurs de films indiens ont vu beaucoup de ses films puisqu’il est omniprésent, et n’a connu que de courtes traversées du désert. Evidemment pour certains spectateurs occidentaux, son jeu pourra paraître outré dans certains films, mais quel charisme ! Parmi ses meilleurs rôles, comme toi j’ai beaucoup apprécié sa prestation dans Veer Zara. Dans Black, pseudo remake de Miracle en Alabama, un peu mélo mais souvent diablement efficace, il a également une autorité et une présence qui en imposent. Son fils semble dignement suivre ses traces, car il a beaucoup de talent.

André Claveau, la voix des ondes







A l’époque où la radio était reine, la belle voix de crooner d'André Claveau charmait les auditrices sur les ondes françaises avec des tubes encore encrés dans les mémoires comme Cerisiers roses et pommiers blancs ou Domino. Apparemment, le chanteur et animateur n’a pas su choisir avec discernement ses rôles à l’écran car il a enchaîne les navets. Dommage.

Né à Paris en 1911, André Claveau a toujours caressé l’espoir d’une carrière artistique et s’amusait tout enfant à monter des pièces de théâtre en écrivant les dialogues et en dessinant les costumes. Après des études à l’école Boulle, il travaille comme dessinateur de bijoux, puis dessinateur d’affiches. On retrouve sa signature sur des affiches représentant des chanteurs de l’époque comme Jean Lumière. Très attiré par l’art lyrique, André Claveau tente alors sa chance dans la variété en prenant bien soin de retenir sa voix pour s’adapter à un répertoire de chanteur de charme : d’emblée la grande Lys Gauty lui prévoit une grande carrière.


L’imprésario de Jean Lumière le prend alors en mains et lui déniche une série d’émissions de radio qui vont faire la gloire du chanteur au début de l’occupation. Des refrains comme « attends moi mon amour » visent spécialement les épouses et fiancées des prisonniers.


Le tango « j’ai pleuré sur tes pas » fait de lui le crooner français n°1et la presse déclare en 1943 que c’est l’artiste qui reçoit le plus de lettres d’amour: il faut dire que la place est vacante depuis le départ de Jean Sablon en Amérique, et que sa belle voix grave le démarque d’emblée des autres chanteurs de charme de l’époque qui ont curieusement une voix assez haut perchée (Réda Caire, Guy Berry, Roland Gerbeau et évidemment Tino Rossi). Doit-on préciser la gente féminine n’a pourtant rien à espérer du prince charmant à la voix de velours, surnommé Clavache par ses détracteurs? On entend beaucoup André sur la radio collaborationniste « Radio Paris » aussi l’artiste connaît quelques soucis à la libération. Cependant, André Claveau va très vite reprendre sa place dans le cœur des auditrices.

En 1947, on lui confie un premier rôle à l’écran, celui d’un gangster qui rencontre par hasard une jeune fille de bonne famille en fuite (la jeune première en vogue Dany Robin) dans « le destin s’amuse » avec. Pas terrible. On préférera « les vagabonds du rêve », un mélo de 1949, où André Claveau ne fait guère d’étincelles mais où Françoise Rosay est comme toujours remarquable en propriétaire d’un théâtre ambulant, abandonnée par le public, qui semble en pincer pour le chanteur. Pourtant ce dernier, cheveux gominés, et foulard de soie, avec ses faux airs de Paul Meurisse, promène un petit air suffisant assez déplaisant le long du film (et de tous les autres). C’est du cinéma de papa, mais tout à fait regardable par rapport aux autres films chantés que va tourner l’acteur.

Comment défendre le médiocre cœur sur mer (1951) où l’acteur, en maillot de bain, révèle une flasque silhouette ? L’ennui avec ce genre de comédies musicales, c’est que les chansons sont très mauvaises et composées à la va vite. Alors qu’elles sont censées pousser le film, elles le coulent ! Rires de paris (1953) est vraiment un sinistre navet : des girls et des artistes sont kidnappés pour tenter d’arracher un sourire à un millionnaire (Claveau) impossible à dérider : quelle ineptie ! Là aussi les chansons sont creuses, à la hauteur du film.

On se demande comment les producteurs mettaient en route des films aussi mauvais. On devait réclamer à certains compositeurs en mal d’inspiration une série de chansons dans des délais très contraints. Au moins le film un jour avec vous (1952) se distingue du lot, en comportant à un vrai tube, le fameux bon anniversaire, mes veux les plus sincères qui figure parmi les plus gros succès du chanteur qui cartonne vraiment tout au long des années 50 avec des airs comme la petite diligence, Domino (qui lancera la mode du prénom Dominique), cerisiers roses et pommiers blancs (qui fera un tabac aux USA repris par Perez Prado) ou encore le petit train (qu’on entendra beaucoup dans les maternelles et qui sera repris par Rita Mitsouko).
Aux quelques films qu’on a cité on doit rajouter des apparitions en tant que guest star dans French Cancan (où il incarne Paul Delmet qui fut 50 ans avant lui le prince de la chanson de charme) ou Paris chante toujours (film de chanteurs assez habilement troussé). En 1958, André Claveau parait dans un film d’aventures, prisonniers de la brousse, une curiosité rééditée en VHS, il y a quelques années.
Mais c’est bien évidemment à la radio que Claveau continue de charmer ses admiratrices avec des émissions comme cette heure est à vous, sponsorisée par les shampoings Dop.

Celui que Charles Chaplin surnommait le Bing Crosby français (deux petits chaussons de satin blanc du film limelight compte parmi ses plus gros tubes) remporte son dernier triomphe à l’Eurovision en 1958 (battant la chanson Volare de Domenico Modugno qui connaîtra pourtant un succès plus durable). Avec l’arrivée de la vague rock et yéyé, André Claveau préfère se retirer à la campagne (même s’il assure encore le doublage français de films, notamment la voix de C Plummer dans la mélodie du bonheur). Il fait ses dernières apparitions à la télé dans les années 70, mais refuse ensuite les propositions de Pascal Sevran ;
Le prince de la chanson de charme est décédé en 2003 : certes sa façon de chanter, assez uniforme et affectée s’est pas mal démodée par rapport à celle de son inspirateur Bing Crosby, néanmoins sa belle voix grave et ses refrains les plus connus sont imparables donner à un film un parfum d’immédiat après guerre.

vendredi 22 mai 2009

Mario Lanza, un ténor en technicolor





Maria Callas déclara en 1973 que Mario Lanza avait la plus belle voix de ténor qu’elle ait jamais entendu et que son grand regret était de n’avoir pu chanter à ses cotés. Toscanini prétendait également que c’était la plus grande voix du 20ème siècle. Pourtant, le moins qu’on puisse dire c’est que Mario Lanza n’a vraiment pas fait l’unanimité parmi les amateurs d’opéra. Lui reproche t’on d’avoir privilégié une carrière dans des comédies musicales à Hollywood aux grandes scènes de l’art lyrique ? Petit portrait d’un artiste aussi populaire que controversé.

Né en 1921en Philadelphie, Mario Lanza a toujours été fasciné par le grand chanteur d’opéra Caruso. Après avoir pris des cours de chants pendant son enfance, c’est pendant la guerre, qu’il aura l’occasion de faire valoir ses talents en donnant des spectacles pour son régiment. A son retour dans la vie civile, sa voix puissante est très vite remarquée. Après s’être perfectionné avec un ancien prof de Benjamino Gigli, il est engagé pour jouer l’opéra de Puccini Mme Butterfly, pour lequel il recueille des critiques dithyrambiques. Remarqué par le patron de la MGM et le producteur Joe Pasternak, spécialiste des comédies musicales matinées d’air d’opéra, tous les 2 complètement enthousiasmé, il fait des débuts très remarqués dans le baiser de minuit (1949) avec Kathryn Grayson. Le film est très conventionnel (franchement, quand je l’ai vu sur TCM, je l’ai trouvé bien ennuyeux.) et alterne, dans la vieille formule chère à Pasternak, chansons nouvelles et des extraits des airs d’opéra les plus connus du répertoire. Pourtant la voix de Mario Lanza fera du film un triomphe.

Le second, marchera encore mieux et la chanson be my love, sera un tube qui se vendra à plus d’1 million d’exemplaire. Le succès du chanteur est phénoménal et l’adulation qu’il provoque peu commune. Un succès aussi foudroyant a de quoi tourner la tête et Mario Lanza, sûr de son talent et enthousiasmé par la fascination qu’il exerce sur les foules, va un peu perdre les pédales.

Irritable, il devient très vite insupportable sur les plateaux, au point que Kathryn Grayson refusera de tourner un 3ème film à ses cotés (on raconte qu’il profitait des scènes d’embrassades -très chastes à l’époque- pour essayer de la draguer de façon fort entreprenante). En 1951, Lanza réalise son rêve et tient le rôle de son idole Caruso dans la très bonne biographie du célèbre ténor, encore un triomphe au box office. A partir de ce moment, Lanza au faite de son succès, est persuadé qu’il est devenu encore meilleur que son modèle, en somme le meilleur chanteur d’opéra de tous les temps ! Et il devient carrément exécrable sur les plateaux : très soucieux de la qualité artistique de ses films, il se heurte aux producteurs qui visent avant tout des cibles commerciales.

Contractuellement, il est obligé d’accepter de jouer tu es à moi (1952), dont il juge le thème racoleur et stupide (un GI devient chanteur d’opéra), mais se défoule sur les autres artistes et se réfugie dans en état d’ébriété quasi permanente pendant le tournage (sa partenaire la pauvre Doretta Morrow sera si dégoûtée qu’elle refusera de jouer dans un autre film après !). Outre la boisson, Mario ne sait pas résister à la bonne chaire et avale des repas pantagruéliques (pour le petit déjeuner, 4 steaks+ 6 œufs avec de grandes quantités de lait). Il devient tellement gros, qu’il n’est pas présentable pour jouer le prince étudiant (1954), opérette ayant déjà fait l’objet d’une célèbre version muette, dont il a pourtant enregistré les chansons. De surcroît, le réalisateur a osé remettre en question ses qualités d’interprétation ! La MGM utilisera donc seulement sa voix pour le film, avec le très fade Edmund Purdom mimant les mouvements des lèvres sur le play back. Le disque 33T sera un très gros succès.
Viré de la MGM, Mario Lanza est alors en posture délicate. Mélangeant barbituriques et alcool, crises de boulimie et cures intensives d’amaigrissement, il est vivement critiqué quand il chante en play-back dans un show télé avec Betty Grable (à l’époque, ça ne se faisait pas du tout) et du coup certains commencent à remettre en doute ses talents de chanteur, d’autant plus qu’il est obligé d’annuler une série de récitals à Las Vegas.

En 1956, Sérenade, produit par la Warner Bros, avec Sarita Montiel, remporte un succès beaucoup plus mitigé que ses films précédents. Très déçu, le chanteur décide de s’installer en Italie (il est très populaire en Europe) où il tournera deux films assez moyens qui lui permettent d’entonner d’autres arias ultra célèbres et des mélodies italiennes très en vogue comme Come prima ou arrivederci Roma. Il envisage alors de se produire à la Scala de Milan afin de démontrer toute l’étendue de son talent sur scène. Hélas, la mort l’en empêchera. Usé par l’alcool, les cures d’amaigrissement, des problèmes de tension artérielle, il décède peu après d’une embolie pulmonaire. Sa femme mourra d’une overdose quelques mois après (en laissant 4 enfants). Sa nièce Dolores Hart jouera dans quelques films (Ces folles filles d’Eve avec Connie Francis, avant d’entrer au couvent).

Tragique destinée que celle de Mario Lanza, dont l’engouement sur les foules le fit comparer à Elvis Presley. Mais vient immédiatement la question (et je compte notamment sur Cathy et Lilah pour me donner leur sentiments) ; était il un aussi fabuleux chanteur d’opéra qu’il le pensait ? On a déjà vu que Maria Callas et Toscanini le portaient aux nues. D’autres ont prétendu qu’en dépit de l’extraordinaire puissance de sa voix, ce n’était pas un fin interprète, qu’il parvenait sans mal à claironner au cinéma les « tubes » du classique, mais qu’il aurait été incapable de tenir sur un opéra entier, etc…S’il avait dédaigné les offres d’Hollywood pour se consacrer aux grandes scènes, serait-il plus admiré aujourd’hui à l’égal de Maria Callas ?
En tous les cas, ses films ont enthousiasmé beaucoup de cinéphiles et fait découvrir l’opéra à beaucoup de gens qui n’étaient à l’origine pas sensibles à l’art lyrique. José Carreras a d’ailleurs déclaré que s’il avait entamé sa carrière, c’est Mario Lanza qui lui en avait donné l’envie. Pour avoir ainsi popularisé l’opéra, on ne peut que tirer un très grand coup de chapeau à Mario Lanza.

jeudi 21 mai 2009

Donald O'Connor, facétieux clown dansant







Personne n’a oublié l’incroyable numéro comique et acrobatique « make’em laugh » dansé par Donald O’Connor dans Chantons sous la pluie, la comédie musicale la plus célèbre et la plus aimée de l’histoire du cinéma. Pour tous les aficionados du musical de l’âge d’or, voici le portait de Mr O’Connor.

Enfant de la balle, Donald O’Connor rejoint tout petit ses parents et frères et soeurs dans les cirques où ceux-ci se produisent. Il perd son père à l’âge de 3 ans. Après des débuts à l’écran à 12 ans dans un numéro dansé avec ses deux frères (l’un d’eux mourra peu après de la scarlatine), le jeune Donald incarne le jeune frère de Bing Crosby et de Fred Mac Murray dans Bébés turbulents. Le coté effronté et débonnaire du gamin à la bouille criblée de taches de rousseur éclate à l’écran et le trio qu’il forme avec les deux célèbres acteurs est vraiment sympathique (notamment quand ils entonnent ensemble l’entraînant pocketfull of dreams » et que Donald danse les claquettes avec son petit accordéon).

Après sur les pointes (1939) , un musical situé dans le milieu de la danse classique avec la ballerine Vera Zorina, Donald est relégué aux comédies musicales de série B produites à la pelle par l’Universal. Il s’agit de films pour la jeunesse, calqués sur les succès MGM de Mickey Rooney et Judy Garland, avec bien moins d’idée et un budget des plus minces. Impossible de se faire une opinion sur ces films jamais rediffusés, et indisponibles en DVDs : Les intrigues étaient basiques : Comme Mickey Rooney dans place au rythme ou débuts à Broadway, Donald essayait de monter un spectacle avec l’aide de la délurée Peggy Ryan, une bonne danseuse dotée d’un réel talent pour la comédie et de Gloria Jean, la fille « sérieuse », la Deanna Durbin du pauvre (à laquelle succèdera la débutante Ann Blyth).

Au retour du service militaire, la firme Universal tente de distribuer Donald, devenu adulte, dans des films à plus gros budget (la firme qui vient de changer de direction décide en effet de réduire la production des séries Z). Dans Chansons dans le vent (1947), Donald recueille de meilleurs critiques que sa partenaire Deanna Durbin, en fin de carrière et danse le charleston dans « Yes sir that’s my baby » avec Gloria de Haven (1949). C’est alors qu’il entame le tournage de la très lucrative série comique « Francis le mulet qui parle ». J’imagine que ça ne devait pas être très puissant, mais pour le talent loufoque de Donald et par curiosité, cela m’amuserait d’en regarder un épisode.

En 1952, Donald O’Connor est engagé par Gene Kelly pour le film qui fera sa gloire : le fameux Chantons sous la pluie (à l’origine, le rôle était prévu pour Oscar Levant !). Les numéros dansés « Good morning » avec Gene et Debbie Reynolds, et bien évidemment le fantastique et acrobatique « make’em laugh » (si éprouvant à tourner, qu’il gardera le lit plus de 3 jours) sont dans la mémoire de tout cinéphile. Le numéro « make'em laugh » dont la musique est largement pompée sur le be a clown dansé par Les Nicholas Brothers dans Le Pirate, permet à Donald de proposer au public un florilège des acrobaties et grimaces qu’il a appris pendant son enfance de saltimbanque. On notera qu’en dépit de la célébrité que Donald a retiré du film, il n’a pas gardé un bon souvenir de Gene Kelly qu’il trouvait trop tyranique sur le plateau « il n’est pas facile de travailler avec un génie ».

Après ce triomphe, Donald va retrouver sa partenaire la mignonne Debbie Reynolds pour un petit musical sympa (Cupidon photographe) nettement moins ambitieux, mais pas du tout désagréable pour autant.
Après Chantons sous la pluie, Call me Madam (1953) est probablement le meilleur musical de Donald. C’est vraiment un film festif et enthousiasmant, que la télé devrait proposer pour les périodes de fête. Les ballets dansés avec Vera Ellen sont superbes et somptueusement mis en scène (il déclara par la suite qu’elle fut sa meilleure partenaire, avec Peggy Ryan). Son interprétation de la délicieuse chanson « you’just in love » avec l’épatante Ethel Merman (qui vole la vedette à tous les comédiens) des plus réjouissantes.

En 1954, Donald retrouve Ethel pour la joyeuse parade (1954), hommage aux chansons d’Irving Berlin. Une superproduction aux opulents numéros musicaux reliés par une intrigue parfois un peu larmoyante. Donald forme un curieux couple avec Marilyn Monroe, dont c’est sans doute l’un des films les plus oubliés. La même année, une pneumonie l’oblige à renoncer à Noël blanc (Danny Kaye le remplacera).
En 1955, Donald décide d’arrêter la série des Francis (parallèlement aux prestigieux musicals précités, il continuait de jouer chaque année dans un film de la série) en indiquant avec humour qu’il faut s’avoir s’arrêter quand on a tourné 6 films et que la mule reçoit plus de courriers d’admirateurs que vous.

Alors que le musical américain brille de ses derniers feux, Donald joue dans Quadrille d’amour (1956) avec Bing Crosby et Zizi Jeanmaire. Un bon musical à l’ancienne, dans lequel il danse avec la délicieuse Mitzi Gaynor.
Ensuite, il est bien obligé de se contenter de films non musicaux comme une biographie de Buster Keaton (1957), que je n’ai pas vu (compte tenu de son physique lunaire, je l’aurais mieux vu dans une bio d’Harry Langdon) ou l’ennuyeuse comédie « That funny feeling 1965» avec Bobby Darin et Sandra Dee, une resucée des comédies coquines de Doris Day-Rock Hudson en moins bien). Il se tourne aussi vers la télé (l’île fantastique, hôtel, arabesque) et la scène (shows avec sa collègue Debbie Reynolds, tournée dans Show Boat). Plus récemment, on a pu le revoir sur grand écran en prof de danse dans ragtime (1981) de Milos Forman, un excellent film ou la très charmante comédie « la croisière aventureuse » avec Jack Lemmon et Walter Matthau, dans lequel il nous propose encore un numéro de danse et retrouve son ancienne partenaire de l’écran, Gloria de Haven, encore très jolie.

Les dernières années de sa vie, de gros problèmes de santé l’obligeront à ralentir ses activités et annuler des représentations. En 1994, il échappa de peu à un tremblement de terre que faillit faire glisser sa maison dans un précipice.
Donald O’Connor est décédé en septembre 2003 et laisse 4 enfants.
Comme il le disait « il est né et a été élevé pour distraire le public » : mission parfaitement accomplie.

Jack Jones, un crooner bon chic bon genre






« Love, exciting and new, come aboard, we’re expecting you ». Tel est le mémorable générique d’une pitoyable mais non moins célèbre série télé (la croisière s'amuse) dont le principal intérêt était de donner l'occasion à beaucoup d’ex-stars de l’écran de faire un dernier coucou à la caméra. L’interprète de cette scie disco était le grand crooner Jack Jones, qui a quand même enregistré des morceaux de meilleure qualité lors de sa longue carrière.

Jack Jones est le fils d’Allan Jones (célèbre chanteur d’opérette et vedette de comédies musicales qui a beaucoup joué dans les années 30 et 40, notamment avec les Marx brothers (une nuit à l’opéra) et Abbott et Costello) et d’Irene Hervey (élégante et très belle comédienne des années 30). Il est né en 1938 la nuit même où son père enregistrait le plus grand succès de sa carrière « the donkey serenade » de l’espionne de Castille (un excellent film au demeurant) avec Jeanette Mac Donald.
Avec de tels antécédents, on pouvait s’attendre à une carrière dans le show business pour le jeune garçon. Après le divorce de ses parents, et des études à l’université, Jack s’engage en effet dans une carrière de chanteur. Mais plutôt que les airs d’opérette qu’affectionnait son père, Jack marque une nette préférence pour un répertoire jazzy et swing.
En 1959, il obtient un premier rôle dans une comédie musicale de série B « Juke box rythmn », plutôt bien ficelée et agréable à voir et à entendre (il interprète 4 chansons) même si l’intrigue (une princesse se rend aux USA pour renouveler sa garde robe) n’a rien de bien transcendant !

Le déclin du genre musical à Hollywood ne laissera guère de chances à Jack de poursuivre dans cette voie. Il devient en revanche une très populaire vedette de la chanson avec des balades un peu machistes comme lollipops and roses ou wives and lovers (un numéro up-tempo composé par Burt Bacharach tiré du film le divan de l’infidélité). Toujours impeccablement coiffé et propre sur lui, en smoking et nœud papillon, Jack égraine ses succès au Ed Sullivan show ou dans le spectacles TV de Judy Garland. Dans l’un d’eux, ressorti en DVD, les 2 artistes nous offrent un hommage à Nelson Eddy et Jeanette Mac Donald, avec un petit coup de chapeau au papa de Jack. Si le phrasé du chanteur est très bien mis en valeur sur les titres qui balancent vraiment, ses versions trop lénifiantes de stranger in the night et autres d’autres slows sont plus contestables (à moins d’avoir un fort goût pour le easy listening).

Outre la version anglaise de « vivre pour vivre » du Francis Lai, le plus mémorable succès de Jack reste probablement « the quest (impossible dream) » du musical l’homme de la mancha qu'il sera le premier à enregistrer (même si beaucoup de néophytes continuent de croire que Jacques Brel, qui a si bien interprété et traduit la chanson en français, en est l’auteur). Il a aussi été le premier artiste américain a enregistrer un album entier de chansons composées par Michel Legrand et orchestrées par celui-ci : c’est probablement la plus grande réussite de sa carrière.
Dans les années 70, le gentil crooner a du mal à surnager dans les incessants mouvements que connaît le monde musical. Il parvient néanmoins à placer quelques succès comme What I did for love (de Chorus Line) et reprend entre autre du Billy Joel (this is my life) sans parler générique de la croisière s’amuse (1977). Il jouera d’ailleurs dans un des épisodes de cette série imbécile, avec son papa et Dorothy Lamour. Avec humour, il acceptera de paraître dans un court passage de Y at’il un pilote dans l’avion n°2, pour chanter à nouveau un passage de ce monument de kitsch.

En revanche, on peut s’attarder un peu plus longuement sur le film d’épouvante britannique « Hallucinations » (1978) de Pete Walker, dont il est la vedette principale. Dans le rôle d’un chanteur has been essayant de faire son come-back (une situation pas très éloignée de la sienne), il livre une prestation tout à fait convaincante (même si un critique narquois le comparera à un Robert Redford de série B avec des dents de lapin).
Cadavres en état de décomposition, cottage lugubre, hurlements dans la nuit : tous les ingrédients sont là : c’est de la série B, mais le film parvient à garder l’attention du spectateur, et au second degré, ça a une certaine saveur. En outre, le réalisateur Pete Walker (qui au départ aurait voulu Brian Ferry pour le rôle) s’amuse parfois à inverser les recettes du genre. Ici, c’est Jack Jones et non pas une jolie pin-up qui sort du lit presque nu pour enfiler sa robe de chambre à chaque fois qu’il entend des choses bizarres sur les coups de 3 heures du matin !

Aujourd’hui Jack Jones poursuit sa carrière aux USA et en Grande Bretagne (où il sera en 2008, si vous voulez réserver vos places), notamment dans une reprise sur scène de l’homme de la Mancha. Le grand séducteur (son court mariage avec Jill St John a fait beaucoup parler à la fin des années 60) a depuis longtemps les cheveux blancs, mais n’a pas du tout perdu sa voix ni son talent.

Dan Dailey, Mr Musical Comedy






Parmi les plus grands danseurs de la comédie musicale, on a tendance à méconnaître le talent de Dan Dailey, car en France ses films généralement tournés pour la Fox, ont été distribués de façon assez confidentielle. Pourtant ce grand escogriffe dansait avec beaucoup d’assurance et de talent, savait jouer parfaitement la comédie, soutirer au passage une larme aux spectatrices dans des musicals qui alliaient sentiments et musique, avec quelque chose de profondément humain qui le distinguait de ses rivaux.

Fils du propriétaire d’un hôtel très fréquenté par les artistes, Dan Dailey a commencé à chanter et danser sur scène dès l’âge de 6 ans avant de participer à différents spectacles de variétés à New York (qu’on appelait alors burlesque). Après avoir fait ses armes dans le musical Babes in arms (qui sera repris à l’écran avec Mickey Rooney), Dan Dailey s’engage dans une grande tournée avec l’opérette j’ai épousé un ange, qui s’achève à Los Angeles. C’est là qu’il est remarqué pour la MGM en 1939. Dans le studio qui compte autant d’étoiles que le ciel, il a bien du mal à trouver sa place : à peine se souvient-on de sa présence dans Ziegfeld girls. Il faut dire que le studio a la curieuse idée de le distribuer dans des rôles de types antipathiques comme par exemple celui d’un nazi (à cause de son physique patibulaire sans doute) où il ne danse jamais. Alors qu’enfin la chance lui sourit et qu’il est désigné comme partenaire de Judy Garland dans pour moi et ma mie (1942), il est mobilisé par l’armée et doit laisser son rôle à Gene Kelly qui réalise ainsi de fracassants débuts au cinéma. Tenu loin des caméras par la guerre, et 5 années sous l’uniforme, l’acteur doit tout reprendre à zéro.

En 1947, Darryl Zanuck auditionne Dailey pour « ma maman était new look » avec Betty Grable. La blonde pin up est réticente et pense que Dailey aurait davantage sa place dans des films plus sérieux. Elle souhaite plutôt que John Payne tienne le rôle de son mari. Cependant le chef de la Fox insiste pour que le principal rôle masculin soit tenu par un acteur sachant danser, et dans ce domaine, Dan Dailey a particulièrement brillé lors de ses bouts d’essai. Le choix s’avérera très positif car le film remportera un triomphe aux USA. Dans cette saga familiale contant les péripéties d’un couple d’artistes du vaudeville et leurs relations difficiles avec leur fille qui les snobe, Dan Dailey tire fort bien son épingle du jeu et s’avère très convaincant autant dans les scènes dramatiques que les numéros de burlesque qu’il partage avec Betty comme l’adorable kokomo indiana. Le public adopte d’emblée le grand type au visage buriné et à l’image si paternelle.

Satisfait de ce succès, Zanuck ne tarde pas à mettre en chantier un nouveau musical pour le couple, un remake des films dance of life (29) et swing high swing low (37), intitulé à toi pour la vie (1948), où Dan et Betty incarnent deux artistes aux carrières conflictuelles. Un rôle en or pour Dan avec des instants très émouvants et une nomination à l’oscar à la clef : privilège ultra rare pour un acteur de musical. Outre quelques numéros dansés avec la blonde Betty, Dan brille également dans le numéro birth of the blues. La petite histoire raconte que Dan avait élaboré soigneusement son numéro depuis longtemps mais sur une musique de Stravinsky, et que Zanuck emballé lui avait proposé de l’intégrer au film, à condition de d’adopter une musique plus accessible au grande public !

Betty Grable et Dan Dailey vont encore tourner ensemble dans deux autres films : my blue heaven (1950), considéré par les fans comme le plus faible, bien que certains numéros dansés soient fort agréables (notamment celui des deux domestiques qui s’encanaillent pendant que leur patron est de sortie, ou le pétillant don’t rock the boat dear. Aventures à Tokyo(1951) comporte quelques très bonnes chansons et un joli numéro dansé par le couple dans un parc pendant la nuit : dommage que la finale de Busby Berkeley semble si inaboutie.
Alors que les deux artistes ont développé une réelle complicité, évidente à l’écran, et que la rumeur leur prête une liaison, la réalité est plus compliquée. Betty Grable n’est qu’une bonne copine. Dan Dailey dont le mariage bât de l’aile a en fait énormément de mal à vivre sa bisexualité. Tandis qu’il triomphe sur les écrans, l’acteur est en pleine dépression. Betty Grable confira sa stupeur à des proches le jour où elle surprendra l’acteur déguisé avec une des robes de scène. Alors qu’il traverse une véritable crise personnelle, il incarne à l’écran les gentils maris tranquilles, ou les braves papas élevant seul leur enfant comme dans l’adorable voisine (1953). Mais peut être que la chaleur humaine qu’il apporte à chacun de ses personnages, et qui le rend si attachant par rapport à d’autres danseurs de cinéma, se nourrit elle de sa sensibilité exacerbée ?

Dan Dailey ne joue pas qu’avec Grable mais aussi les plus jolies actrices de la Fox comme Jeanne Crain (you were meant for me) ou Anne Baxter (youre my everything, amusant musical pâtissant hélas du cabotinage agaçant d’une petite gamine qui joue les Shirley Temple). Dans le petit train du far west, western musical, Dailey donne la réplique à la toute jeune Marilyn Monroe. Comme Jéremy et Cathy, j’ai un faible pour l’adorable voisine avec la ravissante June Haver, qui comporte notamment un excellent numéro inspiré des films noirs parfaitement exécuté par Dan Dailey, qui aurait eu toute la prestance nécessaire pour jouer dans un bon polar.

En 1954, on retrouve encore Dan en bon père de famille dans la joyeuse parade (mais ça lui va si bien), un bel hommage aux chansons d’Irving Berlin. Encore une famille d’artistes qui se déchire et se réconcilie (décidemment la Fox ne servait plus que du réchauffé), du rire et des larmes, mais quelques glorieux morceaux qui en mettent plein la vue (notamment l’air Alexander’s ragtime band repris à toutes les sauces, avec une débauche de moyens et de paillettes).
En 1955, Dan Dailey rejoint la prestigieuse équipe de la MGM, le studio le plus doué pour les films musicaux. Beau fixe sur new York est tout simplement un petit chef d’œuvre, et parmi les grands moments de cet époustouflants musical, sur fond grave et parfois cynique, le numéro dansé par Gene Kelly, Dan et Michael Kidd avec les couvercles de poubelles. Moins génial, mais très agréable, Viva las Vegas (1956) où il forme un beau couple avec Cyd Charisse.

Après les rois du jazz (1956) à nouveau pour la Fox, Dan Dailey se voit contraint d’abandonner le genre musical, tombé en disgrâce avec le développement de la télévision. Néanmoins ses réelles qualités de comédiens lui évitent momentanément de se retrouver sur la touche et des réalisateurs aussi prestigieux que John Ford lui confient des rôles (l’aigle vole au soleil) dont il se tire avec les honneurs ou les naufragés de l’autocar avec Joan Collins. Mais plus que le déclin du musical, ce sont encore les problèmes personnels qui vont couler la carrière de Dan, et surtout la dive bouteille dont il abuse pour engloutir ses problèmes existentiels. A tel point qu’il sera arrêté par la police en état d’ébriété et devra passer 6 mois en institut spécialisé : son troisième mariage se solde par un échec.

Les ennuis de santé se succèdent également : un cancer à la nuque, puis une hanche brisée lors d’un tournage. Dans les années 60, l’acteur va progressivement reprendre pied en se produisant dans des cabarets avec sa chère Betty Grable, et aussi à la télé dans des feuilletons inconnus chez nous.
Néanmoins, il ne se remettra pas du suicide de son fils unique en 1975. victime d’anémie, ce grand gaillard d’un mètre 91 nous a quittés en 1978. Il n’avait que 65 ans mais on aurait pu lui en donner bien davantage, tant les épreuves de la vie l’avaient marqué.
Heureusement, Dan nous a laissé dans ses films le meilleur : son dynamisme, sa chaleur humaine et le talent d’un danseur qui sans frime, nous gratifie toujours d’un travail remarquable.