dimanche 7 juin 2009

les Nicholas Brothers, la plus éblouissant duo de danseurs à claquettes





Parmi les danseurs les plus éblouissants et les plus spectaculaires de l’histoire du film musical, réservons une place toute particulière aux Nicholas brothers. Il faut les avoir vu danser pour le croire tant leur souplesse, leur dynamisme et leurs acrobaties ont quelque chose de surnaturel : le génial Fred Astaire n’a-t-il pas lui-même déclaré que le numéro des Nicholas dans Stormy Weather était la meilleure séquence de comédie musicale qu’il ait jamais vu ? Fayard (né en 1914 à Philadelphie) et Harold (né en 1921) évoluent depuis leur plus jeune âge dans le milieu du show business. Leurs parents sont musiciens et les emmènent voir les plus grands artistes noirs du moment, notamment le grand Bill Robinson. Sans avoir suivi de cours particuliers, Fayard se révèle très vite un as de la danse, et copie les numéros des stars qu’il a vu sur scène pour épater ses copains. Par mimétisme, son tout jeune frère ne peut s’empêcher de suivre son exemple. Très vite, Fayard et son petit frère sont remarqués et font en 1932 leurs débuts au Cotton Club le mythique cabaret dans lequel les plus grands jazzmen noirs (Duke Ellington, Cab Calloway, Ethel Waters…) se produisent devant un public blanc. Aussi doués pour la fantaisie, le chant que pour la danse acrobatique, les jeunes gens font un tabac. En 1936, ils font un malheur aux Ziegfeld Follies et éclipsent Joséphine Baker, qui reçoit un véritable camouflet des spectateurs américains, incapables de comprendre le succès de celle-ci auprès du public français. avec Joséphine Baker Les Nicholas sont très vite engagés à Hollywood afin d’apparaître dans de courts passages de comédies musicales (comme kid Millions, the big broadcast of 1936…) : il s’agit simplement de numéros dansés en guest-star : jamais ils ne joueront un véritable rôle dans un film. En 1940, avec l’aide du chorégraphe Nick Castle, les deux frères signent un contrat avec la Fox. C’est pour ce studio qu’ils feront leurs films les plus populaires et les plus mémorables. Dans Sous le ciel d’Argentine, leur premier film en couleurs, leur numéro énergique est particulièrement remarqué. Même chose pour leurs danses échevelées dans la fameuse séquence du Sheik d’Arabie de Tin pan Alley (1940) avec Alice Faye et Betty Grable. Notons d’ailleurs que leur numéro sera pas mal trituré par la censure en raison des girls très déshabillées au fond du décor. En revanche, il semble que contrairement au sort réservé à Lena Horne à la MGM, la Fox avait prévu une clause au contrat des Nicholas prévoyant que leurs passages ne seraient pas coupés, même dans les états racistes du Sud : sage décision d’autant plus que leurs numéros était souvent le clou des films en question ! Des esprits chagrins se sont plaint bien plus tard que les Nicholas n’avaient jamais participé aux mouvements anti-racistes et qu’ils s’étaient acomodés du système, en acceptant les règles d’Hollywood et en se contentant de passages dansés en guest-stars alors que les Fred Astaire, Gene Kelly et les autres artistes blancs avaient droits aux rôles principaux, aux meilleures chansons, etc… Mais qu’auraient ils pu faire dans le Hollywood de l’époque ! Jamais on ne leur aurait permis de danser avec Betty Grable, la vedette de deux de leurs films, comme l’a dit Harold. En 1941, dans « Tu seras mon mari », les Nicholas dansent sur le célèbre air de Glenn Miller « Chatanooga choo choo » avec la toute jeune Dorothy Dandridge. La future star de Carmen Jones sera la première épouse d’Harold. Un mariage malheureux qui tournera court : Harold est infidèle, et leur fille naît gravement inadaptée. Elle sera placée dans un institut spécialisé. avec Dorothy Dandridge. Le plus mémorable numéro des Nicholas, c’est évidemment le « Jumpin’jive » du film Stormy weather (1943) qui de Fats Waller à Bill Robinson réunit les plus grands talents noirs du show business américain. L’histoire n’est pas folichone mais les artistes sont tous éblouissants. Sans doute stimulés par cette incroyable concurrence, les Nicholas se révèlent tout bonnement incroyables, défiant la pesanteur, se jetant dans les escaliers pour effectuer une série de grands écarts impressionnants, et sans les mains! En 1946, les Nicholas jouent dans un spectacle de Broadway, St Louis Woman avec Pearl Bailey. Seule la chanson « come rain or come shine » interprétée par Harold deviendra un succès, que Margaret Whiting puis une liste incalculable de chanteurs mettront à leur répertoire. En 1948, les Nicholas dansent avec Gene Kelly dans le fameux et merveilleux « Pirate » de Minnelli, probablement leur meilleur film. La séquence « be a clown » (une chanson qui sera largement plagiée pour le fameux air Makin’ laugh de Chantons sous la pluie), dirigée avec acharnement par Kelly, répétée et filmée pendant toute une journée, les laissera sur les rotules. La même année, le duo a l’honneur de donner une représentation pour la cour royale d’Angleterre. Dans les années 50, les deux artistes vont effectuer des tournées dans le monde entier. A l’occasion, on les verra dans divers films internationaux, dans lesquels comme à Hollywood, ils se contentent d’un numéro musical, comme dans je suis de la revue (1951) avec Fernandel et Suzy Delair, Bonjour Kathryn (1956) avec Caterina Valente. Comme beaucoup d’artistes blacks en tournée, les deux frères ont un véritable coup de foudre pour l’Europe : on les accueille comme de vraies stars sans aucun problème de racisme (alors qu’à Las Vegas, les grandes stars blacks étaient souvent obligées d’emprunter des passages dérobés pour venir chanter dans des hôtels dans lesquels elles n’avaient même pas le droit de loger ou d’utiliser la piscine. Sous le charme, Harold décide de s’installer à Paris et de continuer sa carrière de danseur mais surtout de chanteur en solo : il va ainsi enregistrer plusieurs disques en français au début des années 60, dont un EP avec seulement des madisons, la danse en vogue en 1963. Il va également tenir son premier vrai rôle de composition dans un polar français dont Eddie Constantine est la vedette. Dans les années 70, les deux frères de retour aux States fondent une école de danse dont certains élèves deviendront célèbres à leur tour : Janet et Michael Jackson, Debbie Allen. Les petites filles des frères Nicholas monteront également leur propre show : les Nicholas sisters. A la fin de leur vie, les hommages vont se succéder : une soirée spéciale au Carnegie hall, une médaille remise par George Bush, une étoile sur Hollywood boulevard. Occasionnellement, on retrouve Harold dans des films comme taps avec le grand danseur black Gregory Hines (qui jouera par la suite le rôle de Bill Robinson à l’écran). Grand admirateur des Nicholas, Gregory Hines déclarera qu’il serait impossible de tourner un biopic sur la vie des Nicholas car personne ne serait capable de danser de façon aussi spectaculaire qu’eux, à moins de recourir à de trucages ! Les Nicholas brothers nous ont quitté (Harold en 2000 et Fayard l’an dernier), mais les fans de la comédie musicale ne risquent pas de les oublier.

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