vendredi 30 décembre 2011

Bobby Van, bondissant et malicieux




Bondissant comme un ressort, jovial et alerte, le jeune Bobby Van avait tout le talent et l’énergie nécessaire pour apporter la dose d’optimisme et d’allégresse aux somptueuses comédies musicales de la MGM : hélas, il est entré au piste au moment où le genre devait moins rentable, et sa carrière s’est surtout déroulée à la télévision et sur scène. Gageons que tous les spectateurs qui se sont régalés de l’anthologie « That’s entertainment » n’ont pas oublié son sautillant numéro tiré du film le joyeux prisonnier !

Né à New York dans le Bronx en 1928, Bobby Van est un enfant de la balle qui a passé toute son enfance à suivre ses parents en tournée, dans de nombreux petits théâtres, tout en suivant des cours à l’école des arts du spectacle. Après avoir adopté son pseudonyme en s’inspirant de « Van » Johnson, chouchou des midinettes des années 40 et acteur préféré de sa sœur, Bobby se produit en tant que trompettiste dans une petite formation. Lors d’un spectacle, Bobby saisit sa chance en remplaçant un artiste indisposé et se livre à des imitations et à un numéro de danse qui remportent un succès inattendu…qui va décider du reste de sa carrière. Différentes prestations dans des night clubs new-yorkais et à la télévision vont progressivement le faire connaître. En 1950, il décroche un rôle dans un musical à Broadway, bénéficiant d’une chorégraphie innovante de Jack Cole, « alive and kicking » aux cotés de la future star Gwen Verdon : les critiques applaudissent de la légèreté de son style et la perfection de ses numéros dansés qu’il s’agisse de morceaux de tap dance élaborés ou de soft shoe.

En 1952, il épouse Diane Garrett, une petite actrice qui n’a jamais réussi à décrocher autre chose que des emplois de figurantes dans des comédies musicales de la Paramount ou de la MGM (on l’entr’aperçoit notamment dans Chantons sous la pluie).

La même année, Bobby Van est embauché à la MGM : une chance inestimable car le studio est à l’époque le meilleur spécialiste de la comédie musicale : il danse avec Debbie Reynolds dans un passage de Jupons à l’horizon, dont la vedette est la populaire nageuse Esther Williams et joue un soldat dans Tu es à moi avec le fameux ténor Mario Lanza.

Mais le joyeux prisonnier, une délicieuse et pimpante comédie musicale, aux numéros menés de main de maître par Busby Berkeley qui le révèle surtout au grand public. Un personnage cocasse et rêveur, qui effectue une incroyable danse composée de sauts à pieds joints dans les rues de la petite ville : le numéro d’une jovialité enthousiasmante personnifie à lui seul toute la magie et la perfection du musical hollywoodien des années 50. Certains spécialistes y ont vu une des premières manifestations du pogo, danse popularisée par les Sex Pistols dans les années 70 !

Autre grand moment, autre grand film : l’adaptation d’Embrasse-moi chérie (1953), fameuse opérette de Cole Porter où Bobby Van compose avec Tommy Rall et Bob Fosse un trio à l’enthousiasme et au dynamisme contagieux.

En 1953, on lui offre enfin la vedette de Casanova junior aux cotés de la craquante petite Debbie Reynolds, auréolée par son succès de Chantons sous la pluie : certes il s’agit un petit musical en noir et blanc, au budget fort modeste, destiné à être présenté en complément de programme. Bondissant et enchaînant les grimaces et facéties, tel un héritier du fameux Ray Bolger, Bobby Van est brillant. Il éclipse ses collègues (dont le fameux Bob Fosse) et démontre dans ce petit film léger toutes l’étendue de ses capacités. Hélas, la MGM ne semble pas avoir suffisamment consciente de son talent. Avec la concurrence de la télévision, la firme du lion pratiquant une politique à courte vue, préfèrera ne pas renouveler le contrat de la plupart de ses chanteurs et danseurs qui se retrouveront tous sur la touche.

Aussi, Bobby Van acceptera avec joie la tête d’affiche d’une reprise de l’opérette de Rodgers et Hart « On your toes » chorégraphiée par Balanchine, aux côtés de la danseuse Vera Zorina, en reprenant un personnage jadis créé par Ray Bolger, justement.

Hélas, cette reprise ne sera pas un grand succès, malgré les très bonnes critiques personnelles récoltées par Ray.

Par la suite, on a beaucoup vu Bobby à la télévision, notamment dans la série de Mickey Rooney. Puis en tant qu’animateur de jeux télévisés avec sa nouvelle épouse, la belle Helen Joyce, connue pour ses prestations dans d’innombrables feuilletons télé comme les feux de l’amour.



En 1970, Bobby Van tente à nouveau sa chance à Broadway dans une reprise de l’opérette No no Nanette, avec une ancienne gloire d’Hollywood Ruby Keeler . Contre toute attente, le spectacle va obtenir un succès fou et remettre au goût du jour un genre boudé pendant trop d’années. Un succès mérité aussi inattendu que retentissant va relancer sa carrière au cinéma : alors que depuis des années, les comédies musicales sont devenues une denrée des plus rares à l’époque, surtout quand il s’agit de spectacles originaux et non de reprises de spectacles ayant fait leurs preuves à Broadway, Bobby Van est engagé pour un des rôles principaux du nouveau musical dont tout le monde parle : un remake des Horizons perdus , avec une distribution prestigieuse dont Liv Ullman, Peter Finch et Michael York, qui semblent tous un peu paumés et une musique d’un Burt Bacharach en panne d’inspiration : un film qui a bénéficié d’une presse exécrable et que d’aucuns continuent de ridiculiser sans jamais l’avoir vu : sans être un chef d’œuvre, et malgré ses innombrables faiblesses (et notamment une réalisation déficiente), le film n’est pas si désagréable, avouons- le. Bobby Van, le seul comédien sachant vraiment chanter et danser dans la production, livre quelques numéros charmants comme « question me an answer » , qui fait beaucoup songer au « do ré mi » de la mélodie du bonheur, avec infiniment de charme et de décontraction. Evidemment, il est peut être dommage qu’on ne laisse pas plus de latitudes à un danseur aussi doué ! Le bide gigantesque du film ne va malheureusement pas aider la carrière de Bobby.
Et ce n’est pas Doomsday Machine (1976) qui va l’aider : il s’agit d’un film de science-fiction d’une rare indigence aux effets spéciaux particulièrement ratés, qui n’amusera que les amateurs de second degré. Il semble qu’un sérieux manque de crédits aient obligé les producteurs à escamoter une bonne partie de la fin du film !
Atteint d’une tumeur au cerveau, Bobby Van nous quitte en 1980 : un vrai talent qu’on pourrait admirer lors de ses assez rares mais percutantes prestations cinématographiques.

dimanche 9 octobre 2011

Gene Kelly, magicien de la danse à l'écran







Dire qu’on va fêter les 100 ans de la naissance de Gene Kelly l’année prochaine ! On a peine à le croire tant le bondissant danseur a laissé une image d’éternelle jeunesse et de dynamisme à l’écran dans les plus belles pages de l’histoire du cinéma musical. Une joie communicative qui n’a pas pris une ride, comme en témoigne les multiples visionnages de ses meilleurs films comme Chantons sous la pluie (considéré par beaucoup comme le meilleur musical de tous les temps, ou du moins le plus aimé) auxquels il a souvent collaboré également en tant que réalisateur. Fougueux comme Douglas Fairbanks, athlétique et souriant, l’artiste se démarquait de son collègue le génial Fred Astaire par un style moins sophistiqué, plus viril, athlétique et très américain dans l’esprit. Une nouvelle conception de la danse au cinéma devenue un langage à part entière.


Gene Kelly a en effet souvent expliqué avoir été influencé autant par les grands compositeurs américains que par la dépression. Né en Pennsylvanie en 1912, il étudia le ballet classique pendant des années, davantage pour faire plaisir à sa mère que par passion, préférant notamment les sports tels que le hockey et le patin à roulette, dont Gene a su conserver la parfaite maitrise comme il l’a prouvé plus tard dans le film beau fixe sur New-York. Adolescent, il s’associe à son frère Fred, qu’il a toujours considéré comme son seul vrai professeur, pour donner des numéros de music hall dans les environs afin de payer des études de droit qu’il abandonne très rapidement. Pour monter ses numéros de danse, Gene n’a pas ménagé ses efforts, en s’entrainant avec beaucoup de régularité : le but ultime étant de dissimuler complètement la difficulté pour que chaque pas semble au contraire facile et détendu, afin de transmettre uniquement joie et légèreté au public. Efforts qui ne sont pas récompensés à ses débuts, car il a du mal à s’imposer dans le show business et ouvre une école de danse pour gagner sa vie. Enfin, il figure à Broadway dans un musical de Cole Porter où fait sensation Mary Martin. En 1940, il obtient un rôle bien plus substantiel dans Pal Joey, où il est remarqué par le producteur David o’Selznick, qui semble davantage subjugué par ses qualités d’acteur dramatique que ses talents de danseur : il envisage de lui confier le personnage principal du prêtre dans les clefs du royaume, avant de finalement renoncer et de revendre son contrat à son beau père Louis B Mayer de la MGM. C’est ainsi que Gene débute dans le film Pour moi et ma mie de Busby Berkeley avec la grande Judy Garland : pour un premier rôle à l’écran, on peut dire qu’il a été verni d’une chance considérable : il ne pouvait en effet espérer mieux comme réalisateur et partenaire. Si le rôle principal était à l’origine tenu par George Murphy, et que le personnage de déserteur campé par Gene Kelly n’avait rien de sympathique (surtout en plein milieu de seconde guerre mondiale !), au fil du tournage, son charisme, sa séduction et son talent sont apparus de façon tellement patente que la fin du film a été changée pour rendre son personnage plus attachant. En effet, outre ses qualités de danseur, la nouvelle vedette a d’emblée révélé tout autant d’aisance dans les scènes dramatiques et de comédie. Si bien qu’ à la fin du tournage , plusieurs rôles sérieux ont été confiés au comédien: des films de guerre comme la croix de Lorraine, ou encore des personnages tourmentés (comme le mari déséquilibré de Deanna Durbin, assassin et dominé par sa mère de Vacances de Noel) qu’on n’aurait jamais osé confier à un autre artiste de film musical !
Il faut ajouter que ce genre de films étaient bien moins couteux et plus rapides à mettre ne boite que les comédies musicales dont le tournage s’étalait sur plusieurs mois.
En 1944, Kelly remporte un énorme succès dans la reine de Broadway avec la Rita Hayworth, une des stars les plus populaires du moment. Nullement éclipsé par la mythique rousse alors au faite de sa beauté, Kelly nous livre notamment un numéro de danse avec …lui-même, particulièrement élaboré.
En effet, Kelly était certainement meilleur dans les numéros en solo, qu’avec une partenaire et il ne manquait pas d’imagination pour apporter toujours des idées extraordinaires à ses créations. (Par exemple son numéro avec un balai dans la parade des étoiles). Le danseur avouait avoir un faible pour sa danse avec une feuille de journal qu’il déchire avec ses pieds en rythme dans la jolie fermière (1950) On appréciera aussi la complicité particulière qu’il parvenait à établir avec des enfants dans des numéros dansés souvent plus simples mais terriblement attachants tirés d’Escale à Hollywood ou du méconnu Living in a big way.
En 1945, toujours en avance d’une prouesse technique, il danse avec la souris Jerry dans Escale à Hollywood, qui comporte une des premières tentatives de relier dans un film dessin aimé et personnages réels (il sera nominé à l’oscar pour sa prestation).
En 1946, Gene Kelly danse enfin avec son maitre Fred Astaire dans un numéro un peu décevant des Ziegfeld follies. Il est bien plus à son aise dans le fabuleux Pirate de Minnelli (1948), une œuvre picaresque et presque shakespearienne où il brille dans son personnage romantique d’imposteur séducteur. Quant au personnage de d’Artagnan des trois mousquetaires (1948), il semble avoir été inventé pour lui, tant il est parfait dans cette fresque de cape et d’épée en technicolor, aux superbes numéros d’escrime : un film qui lui vaudra une grande popularité auprès du public enfantin, et dans le monde entier.
Le danseur est particulièrement fier de son numéro très avant-gardiste du film ma vie est une chanson (avec Vera Ellen) qui a complètement modifié les règles de la chorégraphie filmée 15 avant West Side story.
Toujours désireux de maitriser davantage chacun de ses films, Gene Kelly s’essaye à la réalisation aux cotés de son comparse Stanley Donen, avec une réussite indéniable (sous la houlette du producteur Arthur Freed). Un jour à New York qui raconte les tribulations de trois marins en bordée déborde d’enthousiasme et d’énergie sur une musique de Bernstein et marque également un grand pas dans l’histoire du genre. Un américain à Paris (1951) de Vicente Minnelli et notamment son sublime ballet final, d’un romantisme fou, dans des décors d’un gout exquis fera sa gloire dans le monde entier, sans parler du célébrissime chantons sous la pluie (1952), véritable antidote contre la morosité. La scène où Gene Kelly y fredonne la chanson principale, de sa voix sourde et nasillarde, dans une rue trempée avec énormément de charme et une décontraction est restée dans toutes les mémoires sans parler du somptueux ballet avec la sublime Cyd Charisse.
Fort de ce triomphe, Gene réalise un film entièrement dansé : Invitation à la danse : mais le tournage s’avère très couteux, et le concept ne séduit pas le grand public. Au bout de 4 ans de montage, le film sort dans l’indifférence générale. Avec le succès croissant de la télévision et des émissions de variété, le public semble s’être lassé des films musicaux. Or les investissements énormes et le temps de préparation n’autorisent pas les demi-échecs.
Si Brigadoon (1954) comporte encore de belles chorégraphies, le film demeure assez décevant (on aurait préféré des décors naturels). En revanche beau fixe sur New York est un excellent musical, teinté d’amertume et de cynisme de même que les Girls (1957) de G Cukor, à l’astucieux scénario. Cependant, la cote de la star est déjà déclinante. Il se rabat alors sur quelques rôles dramatiques te la direction de spectacles à Broadway, sans beaucoup d’enthousiasme. En 1957, il divorce de l’actrice Betsy Blair qu’il avait épousé peu avant de débuter au cinéma, alors qu’elle était toute jeune, pour épouser ensuite l’ex de son vieux complice Stanley Donen (dont il avait été le prof de danse autrefois). On le retrouve ensuite à la télévision aux cotés de Barrie Chase, dans des shows où il nous livre les secrets de son art avec une certaine suffisance. Comme au bon vieux temps, Gene chante et danse avec des souris dans un très plaisant téléfilm pour la jeunesse sur Jacques et le haricot magique (1967) entouré de personnages de dessins sommairement aminés par l’équipe d’Hanna et Barbera.
Dans les années 60 et 70, Gene Kelly a réalisé certains films comme hello Dolly avec Barbra Streisand, des comédies ou même un western, l’ensemble étant assez décevant, il faut bien l’avouer. Beaucoup de projets échouent faute de moyens, la maladie de son épouse l'oblige à refuser la direction du film Cabaret qui fera la renommée de Bob Fosse et Liza Minnelli. Outre quelques caméos dans des films comme les demoiselles de rochefort (1966), on l’a vu aussi paraître avec Fred Astaire dans des compils des meilleurs numéros musicaux de l’âge d’or d’Hollywood à la MGM, qui eurent un grand succès et remirent en lumière bien des stars tombées dans l oubli : on peut regretter à présent les montages hasardeux et arbitraires de ces films et les nombreuses scènes tronquées. En 1979, Gene Kelly danse dans Xenadu avec Olivia Newton John la nouvelle coqueluche du moment après son succès dans Grease : un flop terrible, qui amuse maintenant les amateurs de curiosités. En faisant le bilan de sa carrière et de l’évolution d’Hollywood, l’artiste regrettait l’époque bénie des studios où les vedettes étaient choyées, protégées mais soumises à des obligations diverses.
Gene Kelly a toujours adoré la France et se rendait fréquemment dans la capitale pour visiter les tables gastronomiques les plus réputées et rencontrer son ami Jacques Martin, fan de la première heure ou la chanteuse Régine. Décoré de la légion d’honneur, il avait créé un pas de deux pour l’opéra de Paris dont le succès a été retentissant (23 rappels !).
Très diminué par une crise cardiaque survenue en 1994, l’acteur s’est éteint en 1996. Son influence sur le cinéma musical reste immense et on ne peut qu’être admiratif et reconnaissant pour toute la magie qu’il a pu à apporter à l’écran. De nombreux sites internet (français ou étrangers) regorgeant d’informations, de photos démontrent à quel point la star (classée 15ème au rang des vedettes les plus célèbres du 20ème siècle) est demeurée fameuse.

lundi 27 juin 2011

Dick Haymes, la voix enjoleuse des années sombres






Parmi les plus grands crooners de l’histoire de la chanson américaine, Dick Haymes mérite une place de choix. Sa magnifique voix grave lui permettait d’ajouter un soupçon de mystère et de magie aux splendides mélodies sentimentales qui ont tant fait rêver les amoureux pendant la seconde guerre mondiale. Partenaire au cinéma des plus belles actrices (Maureen O’Hara, Ava Gardner ou Betty Grable), ce grand séducteur était réputé aussi pour ses conquêtes (il fut brièvement marié à Rita Hayworth), sans doute charmées par son superbe ramage !

Dick Haymes est né en Argentine à Buenos Aires en 1918. Ses parents d’origine irlandaise se séparent très vite, et le petit garçon suit sa mère à Paris. Cette dernière ouvre un magasin de mode dans la capitale qui fait rapidement fureur : accaparée par son commerce, qui lui permet de côtoyer les plus grandes stars du cinéma, cette maman débordée préfère mettre Dick et son frère en pension dans différents collèges suisses ou canadiens, réputés pour leur sévérité.
Pendant les vacances, le jeune homme s’essaie à la chanson dans les clubs les plus huppés de St Tropez ou Monte Carlo où il rencontre déjà un franc succès auprès de la gente féminine. En 1935, il se rend à Hollywood il fait un peu de figuration et de cascades dans des westerns de la MGM (et notamment un impressionnant plongeon dans les Mutinés du Bounty. Il décroche enfin un rôle parlant dans le film Dramatic School en 1938 (une ligne de texte pas plus !). L’année suivante, Dick parvient enfin à attirer l’attention du trompettiste Harry James qui vient de quitter l’orchestre de Benny Goodman pour créer sa propre formation et cherche déjà un remplaçant pour son chanteur, Frank Sinatra. Ce dernier a entendu Dick dans un night club et estime qu’il a toutes les qualités pour assurer la continuité. C’est la grande époque des refrains chantés et la voix de baryton, profonde et sensible, absolument splendide de Dick enchante immédiatement les auditeurs et surtout les auditrices. Son phrasé impeccable et ses notes basses rajoutent une forte part de sensualité et de charme à ses enregistrements.
En 1941, l’acteur épouse la belle Joanne Dru qui deviendra dans les années 50, la vedette féminine de nombreux westerns. Ensemble, ils auront trois enfants, avant de divorcer.
Après le succès remporté chez Harry James, Dick Haymes rejoint la formation de Tommy Dorsey, à la demande de Sinatra (toute sa vie, Dick Haymes louera la générosité du célèbre crooner). Il chante parmi les Pied Pipers et paraît à cette occasion dans deux musicals de la MGM (la Du Barry était une dame et Girl Crazy). Il est alors grand temps que le chanteur vole de ses propres ailes : alors qu’une grève des musiciens secoue l’industrie du disque, il enregistre You’ll never know, chanson phare du film Hello Frisco Hello avec Alice Faye, a capella accompagné juste d’un chœur pour donner le rythme. Le disque remporte un succès considérable, la voix du chanteur étant si chaude, nuancée qu’elle se passe en fait de toute orchestration ! Le patron de la Fox, intéressé par la notoriété du nouveau crooner en vogue l’engage pour un contrat de 7 ans très lucratif (25 000 dollars par film). S’il participe peu à l’action même du film 4 Girls and a jeep, un musical patriotique destiné à booster le moral des soldats, il y chante d’une voix enchanteresse « how blue the night ».
En signant pour la Fox, le crooner n’a peut être pas fait le meilleur choix, car le studio mise toujours davantage sur ses vedettes féminines Betty Grable et June Haver, les acteurs étant interchangeables et occupant des rôles souvent sans consistance. S’il chante magnifiquement, Dick peine à convaincre en tant qu’acteur. Compositeur irlandais dans Pour les yeux de ma belle ou docteur dans Broadway en folie, l’acteur au regard clair semble un peu timide, voire mou et trop poli à l’écran, alors que dans la vie réelle c’est un séducteur plein d’assurance.
En 1945, Dick Haymes connaît un de ses plus grands tubes avec « the more I see you » du film Broadway en folie : un air qui connaîtra moult adaptations et reprises au fil des décennies (Chris Montez, Jacqueline Boyer, Valli…)
Finalement c’est dans la foire aux illusions (1945), qu’il fournit sa meilleure prestation, en jeune provincial timide qui se laisse séduire avant d’être plaqué par une chanteuse peu farouche (Vivian Blaine) : les chansons sont exquises.
Afin d’éviter le service militaire et d’être enrôlé pour combattre au front, l’acteur fait valoir sa citoyenneté argentine. Les mauvaises langues d’Hollywood lui reprochent immédiatement son manque de patriotisme dans cette période cruciale. Pour se défendre, l’acteur évoque une profonde crise familiale, puis des problèmes de tension artérielle. Néanmoins, Dick Haymes n’a pour le moment pas trop à pâtir de cette cabale formée contre lui, d’autant plus qu’il multiplie les apparitions dans les galas de bienfaisance et ses disques restent des valeurs sûres au Hit Parade. Outre les refrains tirés de ses films, on remarquera une version toute personnelle d’Amado mio du film Gilda ou encore de Laura du film de Preminger. Il excelle dans les ballades, bien moins à l’aise dans les morceaux swing.
Après avoir retrouvé Betty Grable dans un énième film Belle époque basé sur des chanson inédites de Gershwin (the shocking Miss Pilgrim) où il est constamment éclipsé par la blonde pin up qui pourtant n’exhibe pas des fameuses gambettes, Dick Haymes quitte la Fox pour l’Universal . Néanmoins, ses films pour cette firme ne seront pas des succès (Notamment, le Carrousel sera un tel échec qu’il mettra fin à la carrière de sa partenaire Deanna Durbin).
En effet, le début des années 50 marque un tournant dans le goût du public qui éprouve une certaine lassitude pour les crooners romantiques, issus des big bands adulés pendant la guerre. La page est tournée et les auditeurs de la radio se tournent désormais vers des chansonnettes plus rythmées et plus ludiques. Si Perry Como et Dinah Shore font face à la situation en se tournant vers la télévision, le grand Frank Sinatra connaît lui-même un sérieux passage à vide.
Dick Haymes, anéanti par cette désaffection du public aussi soudaine qu’inattendue, se réfugie dans l’alcool. Plus cigale que fourmi, le chanteur a dépensé les cachets confortables de la Fox : il doit des sommes considérables au fisc. Très instable, infidèle et tyrannique, le chanteur semble se complaire dans une vie sentimentale des plus chaotiques : après l’échec de son union avec Joanne Dru (à laquelle il omet de payer la pension alimentaire), il épouse Nora Eddington l’ex femme d’Errol Flynn, puis Rita Hayworth. Si son mariage avec la superstar rousse lui permet de refaire parler de lui dans les journaux (et même accessoirement de jouer dans deux comédies musicales e série B pour l’Universal), le torchon brûle rapidement entre les deux époux : Dick est violent et bat même son illustre femme en public ! D’aucuns prétendent qu’il a instrumentalisé son mariage avec la vedette pour essayer de retrouver un peu de sa gloire passée.
Lors de vacances à Hawaii, il connaît de nouveau de grosses difficultés avec l’Etat américain, qui visiblement n’a pas digéré le refus du chanteur d’entrer dans l’armée américaine pendant la guerre et refuse à présent que l’acteur regagne le sol américain.
Cette publicité très négative va finir par nuire au crooner dont les 2 33tours enregistrés pour la firme Capitol peinent à trouver vendeur. Pourtant, sa voix plus grave et plus sombrée que jamais n’a pas perdu une once de sa séduction. Mais le répertoire très mélancolique, voire déprimant, ne cadre pas du tout avec la variété pétillante qui envahit téléviseurs et radios.
Désappointé par ces continuelles disconvenues, le chanteur finit par quitter les USA pour donner des galas en Angleterre. Contrairement à ses collègues de l’époque Perry Como, Sinatra ou encore Vic Damone, le chanteur n’arrivera jamais à reconquérir le cœur des américains, ni à décrocher un contrat de longue durée avec une maison de disque, ni même à se trouver une niche dorée dans les cabarets de Las Vegas. Décédé en 1980 d’un cancer des poumons, ce grand fumeur mériterait pourtant amplement d’être redécouvert. La voix enjôleuse qui enchantait les femmes de soldats pendant la seconde guerre mondiale charme toujours 60 ans après.

mardi 17 mai 2011

Rajesh Khanna, demi-dieu de Bollywood







Superstar, demi-dieu de l’écran, adulé avec une rare ferveur par ses fans, on peut dire que l’acteur indien Rajesh Khanna avait acquis une popularité peu commune au tout début des années 70, en incarnant à l’écran des jeunes hommes romantiques et sensibles dans une série de films à succès. Une gloire si instantanée et si difficile à porter, que l’acteur a très vite perdu le sens des réalités. Victime de sa propre mégalomanie et d’un changement soudain des goûts du public, l’idole des foules a vite perdu son statut de phénomène : un déclin qui lui a peut être sauvé la vie.

Né en 1942 à Amristar, cet orphelin a eu la chance d’être adopté par une famille extrêmement fortunée. Grâce au soutien financier de ses parents, l’acteur tente sa chance à Bombay, en dépit d’une expérience théâtrale des plus ténues. Après avoir gagné un concours de jeunes talents, l’acteur est engagé par les studios bollywoodiens où on le catalogue vite dans les mélodrames sentimentaux. Même s’il paraît dans des productions de premier plan, aux cotés des stars féminines les plus cotés du moment (comme Babita ou Asha Pareck), le succès n’est pas immédiat. Il faut attendre 1969 et le film Aradhana, pour assister à l’explosion de celui qu’on nommera désormais « le phénomène Rajesh Khanna »
Remake d’un mélo de Mitchell Leisen « A chacun son destin » qui valut en 1946 un oscar d’interprétation à Olivia de Havilland, le film est parfaitement convaincant, très bien mis en scène et possède le même charme que les grands classiques d’Hollywood.
Rajesh Khanna, insuffle beaucoup de passion à ses 2 personnages. Ses yeux brûlent de désir dans la scène d’amour avec la troublante Sharmila Tagore : On sent une forte tension érotique alors que les personnages ne s’embrassent même pas et restent vêtus ! Sans parler des chansons, toutes magnifiques, dont le succès ne s’est jamais démenti.
(L’acteur est doublé vocalement par Kishore Kumar, dont la voix magnifique colle étonnamment bien à son personnage : il deviendra un de ses doubleurs attitrés). Le triomphe du film va faire de l’acteur un véritable héros, une idole d’une magnitude que le cinéma indien n’avait encore jamais connue : l’acteur devait faire l’objet d’une protection rapprochée, on raconte que sa voiture était couverte de traces de rouge à lèvres laissées par ses fans, que des admiratrices lui adressaient des lettres enflammées écrites avec leur sang…
Les malheureuses devaient se contenter de vivre leur passion par procuration, en se délectant des amours tourmentées de la star avec l’actrice et modèle Anju Mamendu, puis avec la vedette Dimple Kapadia qu’il épousera en 1973. Certaines ne supporteront pas l’idée même de ce mariage et opteront pour le suicide ! L’homme de leurs rêves n’a pourtant rien des héros musclés et virils qui caracolent à l’époque sur les écrans du cinéma mondial (Sean Connery, etc..), il est bien élevé et doux, au regard tendre avec même un soupçon d’embonpoint : le prince charmant tel que l’imaginent des milliers d’indiennes.
Pendant 6 ans, il va enchaîner les succès les uns après les autres en incarnant souvent les héros romanesques au grand cœur, déchirés par le destin. Néanmoins, une étude un peu plus poussée de ses succès situés entre 1970 et 1974 révèle que l’acteur a su aborder des genres les plus divers. The train (1970), par exemple, est une comédie policière bien décevante au scénario vraiment puéril. On en retiendra de kitchissimes chorégraphies (dont les inévitables danses dans les jardins, ou sous la pluie ou encore des passages de boîte de nuit presque hilarants) et la musique de RD Burman, qui a revitalisé en son temps la variété indienne avec des chansons d’un style résolument moderne, d’inspiration occidentale.
Sachaa Jutha (le vrai et le faux-1970) est un amusant spécimen de cinéma bis clairement inspiré des films d’espionnage européens de série Z qui pullulaient dans les cinémas de quartier des années 60 (Coplan, Commissaire X ou OSS 117) : Tous les ingrédients y sont, des jingles style James Bond au duel final, de la jolie pépée sophistiquée (Mumtaz) aux décors (la cachette « futuriste » du voleur qui rappelle celle de Fantomas).à la potion magique permettant de « statufier » les invités pour leur voler tranquillement leurs bijoux.
Rajesh Khanna est très bon dans son double rôle, et notamment dans son personnage de gentleman cambrioleur un peu narquois.

Haathi mere saathi (l’éléphant et moi -1971) a l’intérêt d’intégrer à l’éternel triangle sentimental de ce genre de mélos un élément original : un éléphant qui va sauver son maître, au péril de sa vie.
Mais si l’on ne devait retenir qu’un seul titre parmi tous ces succès commerciaux, ce serait Anand (1970) qui raconte les derniers jours d’un jeune homme atteint d’une maladie incurable et qui, plutôt que de s’apitoyer sur son sort, décide de vivre pleinement les instants qui lui restent et apporte le bonheur à ses proches, par sa bonne humeur et son enthousiasme inébranlable. Sur un plan strictement musical, les chansons sont fort belles et teintées de mélancolie surtout Zindagi Kaisi Hai Paheli, magnifique, que Rajesh (doublé ici par Manna Day) fredonne sur la plage. La volubilité et l’énergie de l’acteur semblent parfois un peu forcées même s’il exprime ainsi finalement parfaitement le désarroi du personnage qui veut oublier et taire ses malheurs sous les éclats de rire en se mentant à lui-même comme aux autres, même si dans de rares moments, sa mélancolie et son désespoir apparaissent au grand jour.
Comme chez Frank Capra, on assiste à une véritable leçon de vie qui glorifie les joies simples et l’amitié, avec des passages touchants comme ceux où Rajesh aborde des personnes dans la rue qu’il n’a jamais vues, en forçant le destin pour se trouver d’éventuels amis, car il n’a plus le temps d’attendre que la vie fasse les choses.
La scène finale où le personnage principal décède en l’absence de son ami est particulièrement bouleversante et prouve tout le talent du grand comédien, car exempte de cabotinage (on ne saurait dire la même chose de la prestation de ShahRukh Kahn dans le pseudo remake new York Massala en 2003)

A l’occasion, Rajesh Khanna n’hésite pas à paraître dans des films violents ou patriotiques, en incarnant dans Prem Kahani (1975) un jeune poète, bouleversé par la mort de son frère, décide de prendre les armes et de rejoindre son combat afin de lutter pour l’indépendance de l’Inde : un rôle qui aurait sans doute mieux convenu à Amitabh Bachchan.
Certains passages sont d’une rare cruauté (notamment celui où la junte recherche Rajesh en donnant des grands coups d’épée dans les matelas, pendant que sa belle-sœur étouffe involontairement sa fille en l’empêchant de crier). Cependant, c’est encore la tension érotique presque palpable que l’on sent dans le huis clos entre Rajesh et son ex fiancée (la ravissante Mumtaz) qui m’a paru la plus effective.

A partir de 1976, le succès de l’acteur commence à rapidement décliner en dépit des critiques élogieuses de la presse sur ses prestations. Comment expliquer qu’après une gloire si fulgurante, l’acteur ait si vite lassé le public indien ? Tout simplement les changements de mode, un goût du public pour des films plus violents, des héros plus virils comme Amitabh Bachchan, nouvelle idole du public (qui a autrefois joué- fort bien d’ailleurs-avec Rajesh dans Anand) et un ras-le-bol des mélodrames sirupeux.

On raconte que l’acteur, très prétentieux, était devenu irascible, capricieux et insupportable sur les plateaux. Son incroyable succès lui était monté à la tête et il ne parvenait plus à gérer la situation : il avouera même par la suite avoir tenté de mettre fin à ses jours au volant de sa voiture. Finalement, le déclin de sa carrière va lui sauver la vie. Débarrassé de son encombrant statut d’icône et de demi-Dieu, Rajesh Khanna retrouve le goût de vivre. Dans les années 80, il connaît même encore certains succès au cinéma, bien qu’aucun titre ne puisse se mesurer aux triomphes d’antan.


On retiendra surtout son étonnante prestation dans Red Rose (80) un thriller mâtiné de film d’épouvante très réussi dans son genre. Rajesh Khanna, est parfait dans son rôle de sadique qui collectionne les soutiens gorge de ses victimes en guise de trophées (je pense notamment à sa façon subtile de jouer les scènes où il tente de séduire sa future proie, avec détermination et tact, avant de finir par laisser poindre son vrai visage de psychopathe et de maniaque sexuel). Après s’être lancé dans la politique dans les années 90 (il a été élu membre du parlement pendant cinq ans), l’acteur paraît encore à l’occasion au cinéma et à la télévision, dans des rôles secondaires. Mais rien de bien enthousiasmant, hélas. Récemment Rajesh a encore fait parler de lui en jouant des scènes un peu osées avec une actrice bien plus jeune que lui dans un film de série B : sa prestation a été jugée lamentable et honteuse. On est toujours plus exigeant avec les artistes qu’on a adulés ! Mais Rajesh Khanna dont la gloire monumentale n’a jamais été égalée du moins dans son idolâtrie (pas même par le si populaire SRK) avait encore de projets : il se préparait  au lancement d’une chaîne de télévision musicale. Il est décédé d'une longue maladie à l'âge de 69 ans en juillet 2012. 

lundi 21 mars 2011

Shahid Kapoor, le prince charmant en chocolat






Dans l’univers doré et rose bonbon de Bollywood, où les protagonistes tombent amoureux fou dès le premier regard et expriment leurs émotions à travers les chansons, il fallait un prince charmant. Le tendre et doux Shahid Kapoor, au sourire enjôleur et aux yeux malicieux a tous les atouts pour tenir ce rôle. Ses incontestables talents de danseur l’ont déjà hissé parmi les plus populaires stars du cinéma indien des années 2000. Celui qu’on surnomme le « chocolate boy » souhaite néanmoins élargir sa palette et prouver qu’il peut incarner à l’écran autre chose qu’un héros de conte de fée : le succès du film Kaminey en 2009 semble lui avoir donné raison.

Né en 1981, Shahid Kapoor est le fils de l’acteur Pankaj Kapoor. Adolescent, il parait dans plusieurs publicités à la télévision, tout en poursuivant de brillantes études de danse. Il est engagé en tant que danseur dans plusieurs gros succès du cinéma indien comme Dil to pagal hai (1997) avec Sharrukh Khan, même si son nom ne figure pas au générique et qu’il est difficile de le distinguer dans la cohorte de danseurs. On le remarque davantage dans Tahl (1999) où il danse dans un numéro de la belle Ashwaria Rai. Sans appui dans le milieu du cinéma, l’acteur a souvent raconté qu’il courait les auditions et les petits boulots de prof de danse et qu’un jour, sans le sou pour payer un loyer, il avait été contraint de dormir dans une voiture. Conscient des possibilités du jeune garçon et séduit par son visage d’ange, le réalisateur Ken Ghosh lui confie en 2003, le premier rôle de Ishq Vishq , comédie romantique à mi chemin entre Grease et Hélène et les garçons dont l’action se déroule dans un lycée, où l’on drague à la cafétéria : c’est frais, un peu creux, pas du tout réaliste, mais suffisamment rythmé pour recueillir un beau succès auprès des spectateurs. Shahid est charmant, et parfaitement à l’aise dans les numéros dansés les plus survoltés. Sa prestation lui vaut le prix du meilleur espoir.
Pourtant après un lancement aussi prometteur, l’acteur va enchainer quelques échecs pas toujours justifiés comme Fida (1994), un thriller haletant mais invraisemblable où il incarne avec talent un jeune homme bien comme il faut qui se retrouve embringué malgré lui dans une sordide histoire, trahi et manipulé par sa bien aimée. Sa partenaire Karina Kapoor va devenir également sa compagne hors caméra, et l’union des deux vedettes fera la joie de la presse indienne pendant trois ans. Un peu moins celle des producteurs car les films du couple ne seront pas toujours des blockbusters.
En 2006, Shahid Kapoor remporte un gros succès commercial inattendu avec un mélo romantique au thème pourtant déjà largement rabâché dans le cinéma hindi : l’union de deux personnes de condition sociale différente. En dépit (ou à cause ?) du coté très sirupeux et simpliste du film, c’est un triomphe.
Le prince de Bollywood peut enfin savourer son succès dans une série de films contes de fée, où le merveilleux et l'irrationnel viennent d’un coup de baguette magique balayer les drames de la vie quotidienne. Sauvé par un ange (le facétieux Sanjay Dutt) d’un accident de la route, Shahid revient sur terre pour s’occuper de ses frères et sœurs dans "la vie pourrait être comme ça". Ce joli film fantastique ne manque pas de références : on songe tour à tour à la mélodie du bonheur (pour les scènes avec toute la nichée de gosses), au ciel peut attendre (adorable film des années 70 avec Warren Beatty), à Ghost et surtout au magnifique et insurpassable « la vie est belle », le classique de Frank Capra (même si ce pseudo remake est moins profond, moins subtil et beaucoup plus puéril.
Les effets spéciaux (qui ont mobilisé pendant un an les studios de Bombay) sont particulièrement réussis, et contribuent grandement à la réussite du film (je pense à la scène très réussie où les 2 fantômes se déchaînent sur la piste de danse (notamment Shahid, qui danse remarquablement), tout en passant au travers du corps des nombreux clients de la discothèque. Dans Milenge, milenge, Shahid parvient à reconquérir Karina Kapoor dont il a totalement perdu la trace grâce à un billet de loterie griffoné, car le destin l’a décidé ainsi. Ok, on nage à 1000 lieux de la réalité, mais ces films familiaux, à l’optimisme démesuré où les forces de l’amour parviennent à soulever des montagnes sont parfois très agréables. D'autre fois, ils tombent à plat, comme des bulles irrisées, jolies certes mais vides et insipides (Kismat Connection...). Amusant d'ailleurs d'apprécier le contraste entre ces films lénifiants et charmants où les baisers demeurent chastes (sous peine d'être coupés par la censure), alors que les danses dans les boites de nuit, peuplées de girls (dé)vétues de strass et de bas résille sont lascives voire vulgaires. Enfin, Chance pe dance (2009), nous raconte l’ascension d’un jeune danseur, fasciné par Gene Kelly et Michael Jackson, fauché et contraint de vivre dans sa voiture, avant de rencontrer le succès dans un show télévisé. Encore un conte de fée, qui semble cette fois directement s’inspirer de la vie réelle du comédien.
Quel dommage que les scènes de danses soient filmées de manière si syncopées et montées avec une telle nervosité qu’il est difficile d’apprécier pleinement des talents de Shahid.
Si coté cinéma, la chance lui sourit, coté cœur, l’acteur semble rencontrer plus de difficultés : il se sépare de Karina Kapoor qui partage désormais de la vie de Saif Ali Khan et se fâche avec le réalisateur Ken Ghosh qui a lancé sa carrière et réalisé plusieurs de ses films. Si la presse people a tendance à fiancer l’acteur avec ses différentes partenaires à l’écran (aux dernières nouvelles avec Priyanka Chopra, Miss Monde 2000 devenue star de Bollywood) , la vie sentimentale de l’acteur semble plus discrète voire mystérieuse : dans un magazine, il déclare même être favorable à l’idée d’un mariage arrangé !
En 2009, Kaminey marque un grand tournant dans sa carrière : ce film hyper violent, inspiré par le cinéma de Tarentino, lui offre l’occasion d’incarner un personnage beaucoup moins lisse de voyou sans scrupules et de briser son image de prince charmant. Honnêtement, Shahid Kapoor ne m’a pas vraiment convaincu dans ce thriller très noir aux velléités artistiques cependant le fort succès commercial du film a solidement confirmé sa place parmi les plus grandes stars de Bollywood et désormais l’acteur peut diversifier ses prestations (on parle néanmoins d’un retour aux sources avec une suite de Ishq Vishq). En tout état de cause, on espère que Shahid Kapoor n’oubliera pas que son meilleur et plus solide atout demeure la danse.

jeudi 17 février 2011

Adieu Peter Alexander


Les amateurs de comédies musicales et d'opérettes viennoises seront attristés d'apprendre le décès de Peter Alexander, superstar du genre. Comme il le chantait à la fin de chacun de ses shows télévisés si populaires dans les années 60 à 90, danke schön Peter!

samedi 5 février 2011

Frankie Vaughan, un crooner au clair de lune




Pour les cinéphiles, le nom de Frankie Vaughan est associé à celui de Marilyn Monroe et son film le Milliardaire. Un crooner robuste et souriant, qui fut surtout un grand personnage de la chanson et de la scène britannique, un gentleman égrainant ses romances jazzy, toujours impeccablement vêtu de son smoking de son chapeau haut de forme. Egalement un homme de cœur toujours très investi dans les œuvres de charité et notamment les associations sportives pour la jeunesse en difficulté.
Né en 1928 à Liverpool, Frankie Vaughan a été élevé par sa grand-mère russe, une femme optimiste et courageuse qui croyait fort en lui. Tout en se consacrant avec énergie à différents sports (football et boxe), il a commencé à chanter dans la chorale de la synagogue. Comme beaucoup d’enfants, il sera évacué à la campagne pendant la guerre pour échapper aux bombardements allemands. Après avoir remporté un deuxième prix lors d’un concours radiophonique, le jeune chanteur remporte un succès immédiat dès sa première apparition sur la scène du Old Kingston Empire en 1950. Plus que son ample voix, c’est sa façon de bouger, son agilité qui surprennent le public. Sous les conseils de Hetty King, une légende du music hall britannique du début du 20ème siècle, il adopte le chapeau haut de forme, le nœud paillon, la cane, panoplie qui ne va plus le quitter. Si le chanteur triomphe sur scène, les compagnies discographiques sont plus frileuses devant cet artiste très visuel. Finalement, la compagnie HMV l’engage et les succès vont s’accumuler à un rythme impressionnant. La chanson « give me the moonlight, give me the girl » qu’il interprète nonchalamment est un tube que ses fans lui réclameront tout le long de sa carrière. Parmi ses premiers succès, on remarque plusieurs rocks de la première heure comme tweedlee dee ou kewpie doll qu’il chante avec énergie de sa belle voix grave. Il n’a pas son pareil pour les interpréter sur scène, en maniant son haut de forme ou son canotier avec une dextérité remarquable, ou en levant très haut la jambe : son étonnante interprétation de the green door est un vrai spectacle !
Le chanteur devient immédiatement le chouchou des jeunes spectatrices qui sont séduites son allure virile et son répertoire entraînant. Frankie Vaughan reste pourtant un mari fidèle, très dévoué à sa famille. Il consacre une partie de ses cachets eu financement d’associations sportives destinées à de jeunes adolescents issus de milieux défavorisés.
Lors d’un gala de charité, la chanteur rencontre la star de cinéma Anna Neagle et son mari Herbert Wilcox, qui sont impressionnés autant par son talent que son investissement dans des associations humanitaires et lui proposent de produire une série de films avec lui. Fasciné par le monde du cinéma, le chanteur, qui a déjà figuré dans une comédie assez drôle d’Arthur Askey accepte à cœur joie. Le couple Neagle/Wilcox entreprend d’élaborer un film spécialement conçu de la chanson en s’inspirant de sa modeste enfance près des docks de Liverpool, tout en évoquant la délinquance des quartiers ouvriers. Si Les années dangereuses (1957), film moralisateur et peu en phase avec la réalité remporte un gros succès commercial, le chanteur de 29 ans n’est guère convaincant en mauvais garçon. Il interprète 3 chansons dans le style qui a fait sa gloire.
Wonderful things (1958) relate avec ingénuité la romance d’un pêcheur espagnol remarqué par une femme du monde. The heart of a man (1959) (avec la très sexy Anne Heywood) qui raconte l’ascension d’un marin au chômage qui devient chanteur à succès est encore plus daté si possible : seule la chanson-titre connaîtra le succès. Dans the lady is a square, il incarne un chanteur de variété rejeté par la maman de sa fiancé qui méprise ses origines modestes et ses chansons modernes… une comédie bien terne dans laquelle Anna Neagle la productrice parait également à l’écran pour la dernière fois (le film figure dans le coffret DVD consacré à l’actrice).
Le chanteur alterne les tournages avec l’enregistrement de disques à succès comme Kisses sweeter than wine, repris en français par Hugues Aufray ou Come softly to me connu chez nous par Marcel Amont (tout doux tout doucement).
En 1960, il est engagé à Hollywood pour tourner dans une comédie musicale de G Cukor aux cotés de la mythique Marilyn Monroe, la plus grande star de l’écran : une chance inouïe pour accéder à la renommée internationale. Pourtant, le chanteur a beaucoup de mal à s’imposer à l’écran, et essuie de violentes critiques : on lui reproche de chanter faux (n'importe quoi!), d’avoir un air balourd, d’être inutile…Il est vrai que les chansons ne sont guère folichonnes et que l’ensemble du film est assez décevant. En tous les cas, on peut se demander si Yves Montand, l’autre star du film, ne s’est pas inspiré par la suite de l’allure de son partenaire Frankie lors de ses derniers tours de chant, en adoptant à son tour le chapeau claque et quelques mimiques du crooner britannique. Il semblerait que Marilyn Monroe ait beaucoup apprécié sa collaboration avec Frankie Vaughan… et lui aurait proposé de « répéter les dialogues » chez elle en tête à tête. En tout état de cause, Marilyn se tournera très vite vers Montand et Frankie Vaughan retournera à sa femme et ses enfants !
Aux USA, Frankie Vaughan joue également the right approach avec Martha Hyer (1961) et la superbe danseuse Juliet Prowse., un drame assez médiocre où il joue plutôt bien son personnage arrogant et manipulateur, entre deux vilaines chansons.
Après cet échec, l’acteur, déçu par la faune et les mirages hollywoodiens retourne en Angleterre pour se consacrer désormais uniquement à sa carrière de chanteur , à sa vie de famille et à la pêche à la ligne, son passe temps favori. Un retour gagnant car son nouveau tube « tower of strength » un de ses morceaux les plus punchy, se classe d’emblée du n°1 du top britannique. Tout au long des années 60, il décrochera encore des succès en reprenant des tubes de Dean Martin ou Al Martino. Mais ce sont des airs jazzy très show business comme Hello Dolly, Cabaret ou Mame qui collent le mieux à son personnage.
Toute sa carrière, Frankie Vaughan a rêvé de jouer dans une comédie musicale sur scène : l’occasion lui en sera donnée en 1985 dans une adaptation scénique du film 42nd street, composée des fameux airs d’Henry Warren.
Frankie Vaughan nous a quittés en 1999 d’une crise cardiaque. Son constant dévouement à de nobles causes et sa simplicité sont toujours loués par ses amis : un documentaire sur DVD lui a été consacré l’an dernier ; à ceux qui souhaiteraient le découvrir, je ne peux que conseiller un CD avec ses grands tubes comme sa version entrainante du Milord de Piaf, ses duos avec la pétillante Alma Cogan ou évidemment « tower of strength ».