dimanche 17 mai 2009

Van Johnson, l'américain moyen



On a du mal à se représenter la popularité qu’a pu avoir Van Johnson après guerre. Classé numéro 2 du box office en 1945 (et numéro 3 en 1946), c’était le chouchou des jeunes filles. Il recevait 8000 lettres d’amour par semaine et faisait battre les cœurs. On raconte qu’après les tournages, il n’osait plus sortir des studios car une horde de fans en furie l’attendait. Evidemment, cette hystérie rendait la critique encore plus méfiante envers le jeune acteur. Né en 1916, Van a été élevé par son père après le divorce de ses parents et contraint d’exercer très tôt différents petits jobs (garçon de plage, vendeur de journaux). Après avoir étudié le chant, la danse et le violon, il fait de la figuration dans quelques comédies musicales sur scène. Le mariage inattendu d’un comédien dont il est la doublure va lui permettre enfin de jouer un premier rôle et de se faire ainsi remarquer. La WB l’engage pour un film, mais ne renouvèle pas l’expérience. Grâce à la complicité de son amie Lucille Ball, il obtient un screen-test auprès de la MGM., et trouve ainsi quelques rôles de soldat. Louis B Mayer qui vient de congédier l’acteur Lew Ayres qui avait commis la faute de se déclarer pacifiste en pleine seconde guerre mondiale, cherche quelqu’un de sympathique pour reprendre la place du comédien et incarner les gentils « Mr tout le monde » et les braves soldats. Van Johnson s’avère un bon choix. Hélas, pendant le tournage d’un certain Joe, il est victime d’un très grave accident de voiture alors qu’il est en compagnie de son ami Keenan Wynn et de l’épouse de celui-ci.Immobilisé de longs mois (chez les Wynn qui l’hébergent), défiguré par de profondes cicatrices, on ne donne pas cher de son avenir. Cependant grâce à l’insistance de Spencer Tracy, son partenaire du film, le tournage est ajourné. Remis sur pieds et soigneusement maquillé, Van reprend sa place devant la caméra et devient une star. On le retrouve dans plusieurs comédies musicales, comme 2 jeunes filles et un marin, destinées à booster le moral des Gis. C’est un film très sympa, plein de jeunesse et de musique swing, comme sa vedette June Alyson, dans un rôle de jeune fille délurée. L’énorme succès du film incite la MGM à mettre en chantier plusieurs films avec le couple. Le brave garçon rouquin aux taches de rousseur et la mignonne et dynamique June plaisent au public de par leur simplicité et leur coté accessible. Comme le résumé bien un critique sarcastique, ils représentent l’improbable produit de ce qu’on appelle « la moyenne ». Le garçon sportif est également la recrue idéale pour partager la piscine d’Esther Williams dans une série de films musicaux, pas désagréables mais souvent d’une grande vacuité. Sourire Gibbs et technicolor, avec airs tropicaux et vastes piscines, c’est rafraichissant sans plus. En 1948, Van Johnson déçoit une partie de son public féminin et épousant Eve Wynn, l’ex femme de son meilleur ami, le jour même de son divorce. Si l’on croit les révélations que cette dame, à cours d’argent, a faites en 1999, il s’agissait d’un mariage arrangé par la MGM pour tenter de cacher les rumeurs concernant l’homosexualité de Van Johnson. Après lui avoir inventé des romances avec Esther Williams, June Alyson et Gloria de Haven, Louis B Mayer se serait entendu avec le couple Wynn en proposant à chacun de meilleurs rôles pour qu’ils divorcent et qu’Eve épouse Van. Un arrangement sordide. En tous les cas, Van Johnson aura une fille avec Eve Wynn en 1948. Van Johnson parait souvent dans des comédies musicales ; outre le joli numéro avec Lucille Bremer dans la pluie qui chante posté par Jérémy (où il séduit par son coté naturel et débonnaire), on se souvient notamment du remake musical de the shop around the corner de Lubitsch , In the good old summertime avec Judy Garland, pas déplaisant mais moins magique que l’original, et surtout du délicieux Brigadoon, dans lequel je l’avais trouvé excellent. Il est également dans le partenaire de Pat Kirkwood (qui fut une maîtresse du mari de la reine Elizabeth), dans pas de congé pas d’amour, une fantaisie musicale assez terne, en incarnant un GI pour la énième fois (alors que dans la vie réelle son grave accident de voiture l’avait empêché de partir au front).Parmi la série de films tournés avec la sirène Esther Williams, Désir d’amour, tourné dans un parc d’attraction de Floride qui n’a pas beaucoup changé (j’ai eu l’occasion de le visiter, il y a 10 ans, et on y donne toujours des spectacles de ski nautique avec des clowns…), mérite une mention spéciale pour ses beaux numéros montés par Busby Berkeley.Mais on aurait tort de cantonner Van Johnson à ses comédies musicales, tant celui-ci a joué dans un nombre considérable de comédies sentimentales, de polars et de films de guerre où il a fourni d’excellentes prestations. Bastogne (1949) de Wellman est considéré par beaucoup comme un des meilleurs films sur la seconde guerre mondiale : ici pas de combats spectaculaires mais une peinture réaliste des rapports humains entre les soldats. Un de ses plus beaux rôles demeure toutefois celui de l’officier osant se révolter face au lieutenant borné qui les dirige dans Ouragan sur le Caine (1954). Un personnage complexe qu’il interprète avec beaucoup de conviction.Afin d’apporter davantage de réalisme, Van Johnson n’a pas cherché à cacher ses cicatrices dans ce célèbre film de Dmitrick.Avec le déclin des grands studios, la carrière de Van Johnson s’essouffle ; Comme beaucoup de comédiens, il se tourne vers la télé où il joue notamment dans une version musicale du joueur de flute de Hamelin (1957), 20 ans avant le film de Jacques Demy. Avec ses chansons inspirées d’airs de Grieg, ses dialogues en vers du début à la fin ! et la présence de Kay Starr, cette agréable fantaisie familiale est tout à fait digne du grand écran.Il joue également dans des coproductions européennes va toujours terribles. On le retrouve également sur scène notamment dans le musical Saratoga (un échec) et l’opérette The music man, où on l’imagine parfaitement reprendre la relève de Robert Preston, tant ce type de personnage fantasque semble lui convenir. Il a également chanté en duo dans des night clubs avec Kathryn Grayson.Dans les années 60, l’acteur connait de nombreux revers de fortune. Opéré d’un cancer de la peau, il s’affronte à son épouse dans un des divorces les plus longs et les plus sanglants d’Hollywood. Sans doute très amère après qu’il l’ait quittée pour un danseur, Eve Wynn conservera toute sa vie la plus profonde rancune contre son second mari et n’hésitera pas à ternir son image (en le dépeignant comme une personne arrogante, violente et cruelle, c'est-à-dire diamétralement opposée à son image cinématographique) y compris dans une bio par très reluisante « Van Johnson, MGM golden boy », écrite sans grand enthousiasme par un écrivain peu sensible aux talents du comédien.Toujours très modeste, Van Johnson admettait qu’il n’avait tourné que dans une poignée de bons films (5 films de guerre), mais qu’il n’avait qu’à s’en prendre qu’à lui-même, car il avait toujours suivi les ordres de la MGM sans jamais chercher à trouver de meilleurs rôles. Très impressionné d’avoir côtoyé les plus grandes stars dans le studio du lion, Van Johnson gardera toute sa vie les meilleures relations avec Spencer Tracy, Ingrid Bergman et la solitaire Greta Garbo. Il continuera à tourner pendant des décennies, notamment dans la kitchissime série TV Batman, le riche et le pauvre, la croisière s’amuse ou même dans la rose pourpre du Caire, un des films les plus aimés de Woody Allen. Sa prestation dans la version musicale la cage aux folles (dont est tirée la chanson I am what I am) sera particulièrement applaudie. Ces dernières années, il était resté très abordable et ne refusait jamais une interview pour TCM.

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